L’erreur christologique de Martinès et ses conséquences dramatiques

 Léon B. Crucifixion

La grave erreur christologique de Martinès, qui refuse de reconnaître au Christ la réalité des souffrances de la Passion – « Le corps du Christ ne souffrait aucune douleur dans les tourments qu’on exerçait sur lui. Si ce corps faisait quelques mouvements, ce n’était qu’une suite de l’action innée du véhicule que l’on opprimait contre sa loi de nature » (Traité, 191) – entraîne des conséquences directes sur sa méthode théurgique tirée des grimoires magiques pour obtenir la réconciliation de  l’homme. 

Le sujet a été longuement abordé, par Jean-Marc Vivenza dans son texte fondamental paru récemment : « Louis-Claude de Saint-Martin et les anges », qui nous semble dire tout ce qu’il y a comprendre sur ce à quoi conduit sur le plan initiatique cette terrible erreur qui relève de façon évidente de l’hérésie docétiste et de diverses influences gnostiques.

 Voici ces lignes importantes qui sont à méditer avec attention :

« Martinès en raison de sa christologie déficiente conjuguée à une grave erreur trinitaire, était condamné à devoir passer par les intermédiaires angéliques pour « opérer » la réconciliation de l’homme. Robert Amadou identifia parfaitement le problème : « Les faiblesses du concept martinésien tiennent à l’immaturité de sa christologie. De même la théologie martinésienne de la Rédemption est embryonnaire, plus verbale que réelle.

Certes, davantage que la mort du Christ, importe sa venue en chair et sa Transfiguration. Martines s’apparente sur ce point à l’orthodoxie, mais n’est-ce pas surtout formellement ? 

L’ambiguïté retourne. Ainsi Martines accepte la naissance virginale de Jésus, mais en privant Jésus des souffrances physiques de la Passion, par exemple ne succombe-t-il pas au docétisme ? 

Le docétisme en christologie, passe pour un trait caractéristique des gnosticismes. Ce rejet d’une compromission entre l’esprit, le divin et la matière, veut que le Christ n’ait eu que l’apparence d’un être humain fait d’une autre substance. Ainsi, le Jésus qui fut crucifié, soit aurait été un double du Sauveur (…) soit l’unique Jésus eût été impassible. Cette dernière thèse s’est trouvée chez Martinès. » (1)

C’est pourquoi, contrairement à ce que soutient Martinès, il n’est pas nécessaire, plus précisément nul n’a besoin de « travailler » à sa réconciliation par des méthodes magiques, car le disciple du Christ a été délivré de son ancienne position de déchéance à l’égard de Dieu,  il est placé par grâce, et non à cause de procédés personnels, dans une nouvelle position devant Dieu par la puissance réconciliatrice de la Passion réellement subie et vécue du Divin Réparateur qui n’était pas « en extase » ou en « contemplation » sur la Croix et qui souffrit vraiment  « des tourments qu’on exerçait sur lui ». (2)

Mais tout ceci s’explique car  « les faiblesses du concept martinésien » de réconciliation, comme l’écrit Robert Amadou, « tiennent à l’immaturité de sa christologie », qui rajoute très justement que « la théologie martinésienne de la Rédemption est embryonnaire, plus verbale que réelle », voilà les conséquences de l’erreur christologique de Martinès.

Encore une fois, l’idée que la grâce puisse être obtenue par nos propres moyens, ou par une méthode, un système, des pratiques rituelles, des cérémonies tirées des grimoires magiques, est contredite fermement par l’Ecriture  (Tite III, 5).

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Saint-Martin, dont les connaissances christologiques étaient bien plus étendues que celles de son premier maître, et qui savait que le « christianisme est l’esprit même de Jésus-Christ dans sa plénitude », comprit rapidement que les méthodes de Martinès n’étaient que du « remplacement » (Lettre à Kirchberger, 12 juillet 1792), ce qu’il ne manqua pas d’affirmer avec la fermeté que l’on sait à ceux des ses Frères dans l’initiation qu’il voyait se fourvoyer grandement dans des voies contestables, périlleuses et réellement peu recommandables.

Une question pour les modernes oublieux des souverains rappels du Philosophe Inconnu : Saint-Martin, doux au caractère mais ferme sur le plan doctrinal, stipula t-il, pour ne choquer personne et éviter de froisser ses frères dans l’initiation, que les voies étaient complémentaires, qu’elles pouvaient se conjuguer, se conjoindre en harmonie ?

La réponse nous la connaissons : Pas le moins du monde ! »

Jean-Marc Vivenza, Louis-Claude de Saint-Martin et les Anges, Arma Artis, 2012, pp. 93-113.

Notes.

1. R. Amadou, Introduction au Traité sur la réintégration des êtres, Collection Martiniste, Diffusion rosicrucienne,  1995, p. 39.

2.  «(Sur la Croix) Le Christ était en contemplation avec l’esprit du Père, et les heureux mortels qui l’ont imité étaient en contemplation avec l’esprit du Fils divin. C’est là ce qui nous fait concevoir la suspension de l’action de l’âme, et la privation ou l’ignorance où le corps reste alors de ce qui s’opère, autour de lui. » (Traité, 191)

Un projet sectaire au sein des ordres initiatiques….le dogmatisme parasitaire

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On a assez glosé sur ces pages, lorsque le phénomène est apparu, à propos du ridicule d’une posture visant à se présenter ouvertement et se faire connaître sur les réseaux comme « néo-coën », mais en cachant constamment, lorsque questionné aimablement sur le sujet, sa source de transmission et la validité des titres dont on prétend se parer.

Pour nous cette attitude disqualifiante sur le plan initiatique, à laquelle peut se rajouter un travestissement systématique de la doctrine de la réintégration et à l’utilisation de méthodes scandaleuses poussant jusqu’à critiquer un livre sans l’avoir lu plus de trois semaines avant sa publication, fait qu’il n’est plus nécessaire à notre avis de s’intéresser aux délires exprimés par celui qui signe ses risibles hoquets réguliers sous le nom d’un « martinésiste chrétien ».

Toutefois l’occasion de rire ne se présentant pas tous les jours, et le Crocodile n’étant pas d’un caractère morose, nous n’hésitons pas une nouvelle fois à nous amuser face à ce qui en arrive à s’approcher du trouble obsessionnel compulsif (TOC) chez le martinésiste chrétien, qui voit des dogmes partout et cherche absolument à plier les voies initiatiques aux décisions dogmatiques de l’Eglise.

Pourtant le clownesque martinésiste cache derrière son manège un projet dangereux, celui cherchant à soumettre les voies initiatiques au dogmatisme ecclésial.

Ainsi, publiant des extraits d’une lettre que Willermoz adressa à Bernard de Turckheim en octobre 1785, dans laquelle le fondateur du Régime Ecossais Rectifié manifeste, derrière l’attachement à la suprématie universelle du Pape de Rome, de nettes tendances gallicanes, notre martinésiste parvient à déceler, sans doute en utilisant ses dons d’extralucide utilisés, dans les lignes de la missive du lyonnais « qu’au travers des dogmes conciliaires, Jean-Baptiste Willermoz établit les fondements et principes essentiels de la foi chrétienne universelle, qui selon lui devait permettre de rassembler tous les chrétiens. Unicité de foi mais aussi unicité de culte qui en est comme le corolaire » (ouf !)

Comment ? Le lyonnais qui n’a eu de cesse de mettre en garde contre l’oppression de la classe sacerdotale, de prévenir que l’Eglise s’était coupée des enseignements mystérieux depuis le VIe siècle, d’inviter à se méfier des esprits sectaires, se révèlerait dans sa correspondance un autocratique défenseur de la dogmatique conciliaire ?

Voilà qui serait bizarre….par quel sortilège notre néo-coën extralucide parvient-il à affirmer que « Jean-Baptiste Willermoz établit les fondements et principes essentiels de la foi chrétienne universelle au travers des dogmes conciliaires » (sic) ?

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Dans ce passage où notre contorsionniste grimaçant prévient que la « doctrine professée au travers de l’Initiation »  : «Willermoz n’hésite pas à dire que celle-ci est la vérité. Parce que cette doctrine, s’appuyant sur les dogmes et principes «essentiels » de la communion romaine, ne peut que mener à la vérité » (sic).

Or, dans ce passage, Willermoz en catholique romain aimant les formes de sa religion ne parle absolument pas de dogme, il s’adresse simplement à un réformé pour lui parler de l’excellence « des secours et consolations attachés à la messe ; aux sacrements, et principalement aux deux plus utiles la confession et celui des mourants ; à l’intercession de la Vierge Marie mère de Dieu et des saints et à la puissante protection des saints anges gardiens, dont les hommes éprouvent journellement de si grands secours.(…). » Concluant que « plusieurs églises protestantes se réuniraient à la croyance de la communion romaine si cela pouvait se faire sans s’unir à la cour de Rome, pour laquelle on conserve un juste et invincible ressentiment qui rend toute union impraticable tant qu’elle ne se réforme pas dans ses ambitieuses prétentions et qu’elle ne fera pas des sacrifices qu’elle ne veut pas faire. » (Jean-Baptiste Willermoz, lettre à Bernard-Frédéric de Turckheim, octobre 1785).

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Alors où le néo-coën voit-il que Willermoz dans ces lignes n’hésite pas à dire que la « doctrine professée au travers de l’Initiation est la vérité, parce que s’appuyant sur les dogmes » ? Mystère ?!

Pas une ligne, pas une seule virgule dans ce passage comme dans toute cette lettre, sur la prétendue identité ou conformité entre la « doctrine professée au travers de l’Initiation » et les dogmes.

Et pour cause car à aucun moment n’est abordé le sujet !

Ce que souligne Willermoz à Turckheim, qui comme tous les réformés rejette la papauté et les abus de la cour de Rome, c’est que pour lui le concile est supérieur au Pape en matière de vérités portant sur la foi. C’est tout et pas plus. Ce en quoi d’ailleurs Willermoz se montre gallican et janséniste, puisque c’est exactement ce que pensaient les courants en sympathie avec les idées de Port-Royal au XVIIIe siècle.

En revanche lorsqu’il parle de la « doctrine professée au travers de l’Initiation », Willermoz le fait en des termes vagues et généraux : « Vous aviez été frappé , comme je l’ai déjà dit, du caractère de vérité de la doctrine de l’initiation, de l’immense étendue et multiplicité des objets qu’elle embrasse, de l’enchaînement ravissant de toutes ses parties qui fournit une preuve de plus de la vérité et du prodigieux moyen qui a été employé pour nous en gratifier et pour éclairer par elle peut-être le monde entier… » (Ibid.).

Mais ce qui est intéressant, c’est que lorsque Willermoz aborde avec Turckheim le sujet du christianisme et des vérités de foi, au moment où il pourrait en profiter pour dire leur identité avec les dogmes, alors son discours relève de l’approche intérieure des vérités chrétiennes, d’une manière totalement éloignée du dogmatisme : « Par l‘heureuse et journalière expérience du chrétien, tout raisonnement sur les matières de foi est nul s’il n’est vivifié par la vie de la vérité, et doit se taire devant le sentiment intime qui est le caractère essentiel de cette vérité pour tout homme qui la cherche avec soumission et sincérité. Laissez-les donc, mon bon ami, s’égarer dans leurs raisonnements, et ayez le courage d’en appeler dans le secret de votre propre expérience ; elle ne vous trompera pas, si vos intentions sont pures et votre volonté bien soumise. Et c’est alors que vous trouverez dans vous-même la règle certaine de votre foi. » (Ibid.).

Avons-nous bien lu ?

Willermoz loin de professer la valeur du dogme, soutient :

« Tout raisonnement sur les matières de foi est nul s’il n’est vivifié par la vie de la vérité, et doit se taire devant le sentiment intime qui est le caractère essentiel de cette vérité pour tout homme qui la cherche avec soumission et sincérité… »

Voilà la position réelle de Willermoz, sa conviction est que tout raisonnement en matière de foi est nul si non vivifié par la vie de la vérité.

Mais poursuivons.

Ces raisonnements pour le fondateur du Régime rectifié doivent se taire devant quoi ?

Voici la réponse : « Devant le sentiment intime qui est le caractère essentiel de cette vérité pour tout homme qui la cherche avec soumission et sincérité… »

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C’est très clair, pour Willermoz, tous les raisonnements en matière de foi doivent se taire devant le sentiment intime !!

C’est en parfaite cohérence avec ce que soutient tout le courant illuministe, à savoir que « Dieu est sensible au cœur», et qu’il n’y a, et ne peut avoir, aucun critère dogmatique dans cette rencontre intime avec la vérité chrétienne.

Et Willermoz va même plus loin, il intime l’ordre de silence absolu devant la rencontre intérieure, en des termes que n’aurait pas désavoué Saint-Martin : « tous les raisonnements en matière de foi doivent se taire devant le sentiment intime » !

Comment donc ne pas rester effaré, saisi, choqué devant les affirmations mensongères du martinésiste chrétien obsédé par le dogme, qui n’hésite pas à trafiquer les textes, lorsqu’on lit ceci dans sa conclusion : « Notre seul objectif était de mettre en lumière les principes et fondements spirituels « essentiels » de la Doctrine de l’Initiation de la Grande Profession de l’Ordre Rectifié….et quel meilleur moyen que de simplement se référer aux écrits mêmes du rédacteur de cette doctrine, Jean-Baptiste Willermoz, qui nous révèle que….la doctrine de l’Ordre ne peut ainsi s’éloigner des dogmes de l’Eglise. »

Or précisément Willermoz ne révèle strictement rien dans sa lettre, ne souffle pas un mot sur les principes et fondements spirituels « essentiels » de la Doctrine de l’Initiation ! D’autant que la pensée véritable du patriarche lyonnais, largement connue de ceux qui s’intéressent à ces questions, est exactement le contraire, puisqu’il affirme que les secrets de la Grande Profession : « Les ministres de la religion traitent de novateurs tous ceux qui en soutiennent la vérité. » (Lettre de Willermoz à Saltzmann, mai 1812).

On ne saurait donc travestir plus mensongèrement la pensée de Willermoz qui à aucun moment ne soutient dans cette lettre, comme dans l’ensemble de ses écrits, que « la doctrine de l’Ordre ne peut ainsi s’éloigner des dogmes de l’Eglise », ou comme on peut le lire encore, qu’elle « est nourrie essentiellement des dogmes conciliaires reconnus par toutes les Eglises ».

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Là c’est du pur délire interprétatif !

On est vraiment en présence d’une mauvaise foi outrée, d’un comportement pharisaïque, d’une vision partisane clairement affichée, et surtout d’un très gros mensonge à visée manipulatrice !

C’est du grand n’importe quoi, mais un n’importe quoi mis au service d’un projet, celui de soumettre – par l’effet d’une grossière manœuvre des textes qui disent pourtant le contraire – la « doctrine de l’initiation » à la dogmatique de l’Eglise.

Et ce projet apparaît au grand jour avec une acuité saisissante mais également extrêmement inquiétante. Car le souhait d’enfermer l’esprit des frères dans un mode de pensée dogmatique bien éloigné par nature de l’approche initiatique, se manifeste d’une façon évidente dans les commentaires de cette lettre de Willermoz à Turckheim, révélant le projet auquel travaille une tendance sectaire au sein des ordres initiatiques, qui s’y est installée et cherche à s’y maintenir de manière parasitaire.

Combien plus juste, plus douce et bienfaisante la position de Willermoz, qui se résume à ces mots : « Tous les raisonnements en matière de foi doivent se taire devant le sentiment intime » ! 

Théurgie coën et rite vaudou en Haïti…un étrange mariage

La Fête de la Saint-Jean est l’occasion en Haïti d’une cérémonie plus qu’étrange, bien qu’elle ne soit pas de nature à surprendre ceux qui connaissent un peu l’histoire initiatique de cette île, autrefois Saint-Domingue.

L’histoire Maçonnique d’Haïti peut-être partagée en deux parties : Avant 1789 (avant l’Indépendance) et après l’Indépendance, le nom indigène « Haïti » n’étant bien sûr pas encore en usage, le territoire de l’État actuel d’Haïti formant à l’époque la « partie française de Saint-Domingue », la plus riche des « îles ». La Maçonnerie d’Ancien Régime y a rencontré un très vif succès et Saint-Domingue a été un « laboratoire » de Hauts Grades.

Mais évidemment, le séjour et la disparition sur place de Martinès de Pasqually en septembre 1774, confèrent à ce lieu une place singulière à Haïti.

Et en effet, comme si les élus coëns avaient laissé quelques traces cérémonielles palpables et concrètes dans ces régions pénétrées des rites vaudous et magiques, se célèbre un rituel directement inspiré des pratiques coëns lors de la fête de la Saint-Jean aux abords du Temple maçonnique où, après avoir inscrit des noms angéliques, planté les bannières et tracé les cercles à la craie sur le sol, on place au centre un grand bûcher auprès duquel se regroupent les maçons des hauts degrés.

Le vaudou, omniprésent en Haïti, vient d’Afrique de l’ouest, mais celui pratiqué sur l’île est en plus intimement lié à la définition identitaire du peuple haïtien, puisque la cérémonie du Bois-Caïman du 14 août 1791, telle qu’elle a pu être décrite : harmonie particulière entre le chant, la danse et les sacrifices d’animaux provoquant les inévitables et énigmatiques crises de possession, tout ceci sous la direction de Boukman, chef des esclaves, mènera grâce à la révolte victorieuse à l’effondrement de l’esclavage en 1804.

Depuis, tout ce qui touche à la magie, à l’occultisme, à l’ésotérisme, à la religion et à la franc-maçonnerie, est pénétré de l’esprit du vaudou sur l’île.

C’est ce curieux mélange de rites vaudous et de théurgie des élus-coëns, qui se déroule publiquement en Haïti lors de la Saint-Jean, et auquel tous peuvent assistés, rituel peu connu mais qui est intéressant à plus d’un titre.

Ainsi certains Frères, selon la description qui nous est donnée de ce rituel, Frères qui se présentent comme « Réaux+Croix » (sic), revêtus d’aubes sacerdotales, retirent leurs chaussures et entrent dans les cercles, puis s’approchent de l’autel de bois et procèdent à son aspersion avec de l’eau bénite, des sels de mer, etc., pratiquent des offrandes d’alcool, d’eau de coco, d’huile de palme et font fumer des parfums pour purifier le lieu. Les prières préalablement recueillies sont placées dans le centre du bûcher qui représente l’autel, que les Frères haïtiens appellent «l’Arche». Enfin un mélange spécial d’encens est brûlé par un thuriféraire, et le Vénérable Maître, gardiens et orateur invoquent les puissances angéliques.

Tous les chœurs angéliques sont invoqués, on chante, on danse, on proclame des formules mélangeant  prières et formules magiques, puis, après de fougueuses circumambulations, est enfin enflammée « l’Arche » par les prêtres maçonniques qui se disent « coëns ».

Dans une extase collective, est ainsi consumé le brasier magico-coën, laissant se poursuivre tardivement dans la nuit, les libations festives de la Saint-Jean haïtienne.

Voilà un curieux exemple, mais assez démonstratif des liens harmonieux existant entre théurgie coën, magie, sorcellerie et vaudou en Haïti, exemple qui méritait d’être signalé en raison de ce mariage – dont on ne sait s’il faut le qualifier « d’heureux » ou non – entre des pratiques qui semblent à l’évidence participer de sources et de méthodes identiques, et poursuivre des buts semblables.

Les Hommes de désir seraient-ils fâchés avec Jacob Boehme ?

« C’est avec franchise, Monsieur, que je reconnais n’être pas digne de dénouer les cordons des souliers de [Jacob Boehme] cet homme étonnant, que je regarde comme la plus grande lumière qui ait paru sur la terre après Celui qui est la ‘‘Lumière’’ même. » (Saint-Martin, Lettre à Kirchberger, 8 juin 1792.)

Ce type de citation de Saint-Martin, rappelée par Jean-Marc Vivenza dans son texte Louis-Claude de Saint-Martin et Jacob Boehme, est de nature à montrer en quoi Serge Caillet et Xavier Cuvelier-Roy sont passés complètement à côté du sujet dans leur livre qui vient de paraître « Les hommes de désir », Mercure Dauphinois, 2012.

Serge Caillet s’appuie sur Arthur Waite, à qui l’on doit le faux portrait de Martinès de Pasqually ! et dont l’autorité est discutable en ces domaines, pour minorer la place de Boehme sur Saint-Martin : « l’influence des écrit de Boehme sur Saint-Martin a été de beaucoup exagérée et par nul d’avantage que par l’intéressé lui-même ! »

Et hop emballé c’est pesé…toute la question qui exige un examen serré est réglée en une courte phrase.

*

La suite ne manque pas de saveur : «  Tu sais que dans Le Ministère de l’homme-esprit, son dernier livre, Saint-Martin établit la liste des données absentes de ses propres livres et invite ses lecteurs à s’en instruire chez Boehme. Mais cette liste n’apporte rien de bien neuf ! » (Les hommes de désir, op.cit., p. 33).

Or voici ce que dit Saint-Martin dans le Ministère de l’homme-esprit : « Cet auteur allemand, mort depuis près de deux cents ans, nommé Jacob Boehme, et regardé dans son temps comme le prince des philosophes divins, a laissé dans ses nombreux écrits, qui contiennent près de trente traités différents, des développements extraordinaires et étonnants sur notre nature primitive ; sur la source du mal ; sur l’essence et les lois de l’univers ; sur l’origine de la pesanteur ; sur ce qu’il appelle les sept roues ou les sept puissances de la nature ; sur l‘origine de l’eau ; (origine confirmée par la chimie, qui enseigne que l’eau est un corps brûlé) ; sur le genre de la prévarication des anges de ténèbres ; sur le genre de celle de l’homme ; sur le mode de réhabilitation que l’éternel amour a employé pour réintégrer l’espèce humaine dans ses droits, etc. » (Le Ministère de l’homme-esprit).

Et Saint-Martin rajoute une liste impressionnante des thèses de Boehme :

  • « Le lecteur y trouvera que la nature physique et élémentaire actuelle n’est qu’un résidu et une altération d’une nature antérieure, que l’auteur appelle l’éternelle nature ;
  • que cette nature actuelle formait autrefois dans toute sa circonscription, l’empire et le trône d’un des princes angéliques, nommé Lucifer ;
  • que ce prince ne voulant régner que par le pouvoir du feu et de la colère, et mettre de côté le règne de l’amour et de la lumière divine, qui aurait dû être son seul flambeau, enflamma toute la circonscription de son empire ;
  • que la sagesse divine opposa à cet incendie une puissance tempérante et réfrigérante qui contient cet incendie sans l’éteindre, ce qui fait le mélange du bien et du mal que l’on remarque aujourd’hui dans la nature ;
  • que l’homme formé à la fois du principe de feu, du principe de la lumière, et du principe quintessentiel de la nature physique ou élémentaire, fut placé dans ce monde pour contenir le roi coupable et détrôné ;
  • que cet homme, quoiqu’il eût en soi le principe quintessentiel de la nature élémentaire, devait le tenir comme absorbé dans l’élément pur qui composait alors sa forme corporelle ;
  • mais que se laissant plus attirer par le principe temporel de la nature que par les deux autres principes, il en a été dominé, au point de tomber dans le sommeil, comme ledit Moïse ;
  • que se trouvant bientôt surmonté par la région matérielle de ce monde, il a laissé, au contraire, son élément pur s’engloutir et s’absorber dans la forme grossière qui nous enveloppe aujourd’hui ; que par là il est devenu le sujet et la victime de son ennemi ;
  • que l’amour divin qui se contemple éternellement dans le miroir de sa sagesse, appelée par l’auteur, la vierge SOPHIE, a aperçu dans ce miroir, dans qui toutes les formes sont renfermées, le modèle et la forme spirituelle de l’homme ;
  • qu’il s’est revêtu de cette forme spirituelle, et ensuite de la forme élémentaire elle-même, afin de présenter à l’homme, l’image de ce qu’il était devenu et le modèle de ce qu’il aurait dû être ; que l’objet actuel de l’homme sur la terre est de recouvrer au physique et au moral sa ressemblance avec son modèle primitif ;
  • que le plus grand obstacle qu’il y rencontre est la puissance astrale et élémentaire qui engendre et constitue le monde, et pour laquelle l’homme n’était point fait ;
  • que l’engendrement actuel de l’homme est un signe parlant de cette vérité, par les douleurs que dans leur grossesse les femmes éprouvent dans tous leurs membres, à mesure que le fruit se forme en elles, et y attire toutes ces substances astrales et grossières ;
  • que les deux teintures, l’une ignée et l’autre aquatique, qui devaient être réunies dans l’homme et s’identifier avec la sagesse ou la SOPHIE, (mais qui maintenant sont divisées), se recherchent mutuellement avec ardeur, espérant trouver l’une dans l’autre cette SOPHIE qui leur manque, mais ne rencontrent que l’astral qui les oppresse et les contrarie ;
  • que nous sommes libres de rendre par nos efforts à notre être spirituel, notre première image divine, comme de lui laisser prendre des images inférieures désordonnées et irrégulières, et que ce sont ces diverses images qui feront notre manière d’être, c’est-à-dire, notre gloire ou notre honte dans l’état à venir, etc. » (Le Ministère de l’homme-esprit).

En effet, comme on s’en rend compte…. « …cette liste n’apporte rien de bien neuf ! »

*

Saint-Martin soutient donc, comme il est logique : « Jacob Boehme a levé presque tous les voiles en développant à notre esprit les sept formes de la nature, jusque dans la racine éternelle des êtres… »

Et il conclut : « Lecteur, si tu te détermines à puiser courageusement dans les ouvrages de cet auteur, qui n’est jugé par les savants dans l’ordre humain, que comme un épileptique, tu n’auras sûrement pas besoin des miens. » (Le Ministère de l’homme-esprit).

Robert Amadou (+ 2006) refusait à Boehme sa place de maître de la théosophie occidentale….et Serge Caillet va évidemment dans le sens d’Amadou (qui ne lisait pas l’allemand ce qui aide grandement à comprendre les domaines de la pensée théosophique de souche germanique)….pour signaler que Saint-Martin ne fut que peu influencé par le visionnaire de Görlitz : « Comme l’a fort bien expliqué Robert Amadou , lors d’un colloque sur Saint-Martin à Tours, dont les actes ont été publiés en 1986 : il est abusif de constituer Boehme en parangon des théosophes occidentaux ; et en particulier du Philosophe Inconnu […] il n’en fut que le second maître, second dans le temps et second dans la mesure de l’apport réel. » (Les hommes de désir, op.cit., p. 34).

*

Reconnaissons tout de même à Xavier Cuvelier-Roy le mérite de signaler à Serge Caillet que l’idée de la Sophia, Saint-Martin l’a bien trouvée chez Boehme….La réponse est assez instructive : « La sophiologie de Saint-Martin était déjà là, sans qu’il le sache, ou en ne le sachant qu’à moitié. Boehme agira essentiellement ensuite comme un révélateur » (Les hommes de désir, op.cit., p. 34).

Tout ceci, comme il est aisé de le vérifier, relève de la réinterprétation pas très sérieuse….mais c’est sans doute conforme au climat général qui s’est installé dans le domaine de la pensée initiatique !

On aura donc tout intérêt à faire confiance à Saint-Martin lorsqu’il nous dit : « Jacob Boehme cet homme étonnant, je le regarde comme la plus grande lumière qui ait paru sur la terre après Celui qui est la ‘‘Lumière’’ même. »

Un néo-coën pris au piège des évidences… explose dans sa tête !

Nous venons d’assister à un événement singulier. En effet, pour la première fois dans les sujets qui nous occupent, on assiste à la critique d’un ouvrage avant même sa sortie. La pratique est courante dans le milieu littéraire où les vanités blessées et les orgueils surdimensionnés sont légions, dans celui de l’ésotérisme le fait est extrêmement rare, pour ne pas dire inconnu.

Celui qui est à l’origine de cette initiative assez ridicule n’est lui pourtant pas un inconnu. Nous avions dans un précédent billet : « Néo-coën, ne te moque pas du Crocodile avant d’avoir atteint l’autre rive ! » noté et mis en lumière le caractère plus que problématique du personnage.

L’olibrius en question  s’agite depuis son apparition sur internet et les réseaux comme un beau diable en tant que « martinésiste chrétien », en rompant d’ailleurs tous les vœux de discrétion et de silence des Serments coëns, mais  restant muet comme la tombe à propos de ses transmissions dont on attend toujours qu’il nous fournisse les précisions demandées.

Le voilà en revanche beaucoup plus loquace pour parler d’un livre à paraître « La doctrine de la réintégration des êtres » de Jean-Marc Vivenza, dont personne ne connaît le contenu, afin de le désigner comme relevant de « vues personnelles » (sic), participant d’une « analyse non objective et partisane » (re-sic) , « enfermée dans un courant de pensée particulier » (re-re-sic), allant jusqu’à souligner « l’aspect limité de l’étude et la rigidité dogmatique de l’approche de son auteur » (re-re-re-sic) !

Et pour faire bonne mesure en conclusion, relevant d’un « penchant hégémonique, relayé par une forme de propagande, enfermant l’esprit des frères dans un mode de pensée unique et dogmatique bien éloigné par nature de l’approche initiatique. » (re-re-re-re-sic) !

Rien que ça !

Outre que le « martinésiste chrétien » semble être un parent de Madame Irma de par ses dons discutables d’extralucide,  il y a tout de même de quoi rigoler à voir celui qui n’hésite pas à tordre le cou à la pensée de Martinès, en de multiples domaines, qui est complètement passé à côté de la logique interne de la doctrine, n’ayant pas vu le caractère nécessaire de la Création, et allant jusqu’à soutenir une « résurrection de la chair » chez Pasqually, se lancer dans la critique d’analyses qu’il méconnaît.

Sa petite musique est de tenter de ramener Martinès au dogmatisme de l’Eglise. Pour ça tous les travestissements et les acrobaties sont permis, ce qui frise souvent le ridicule et prête à sourire. On a fini pas s’y habituer et aujourd’hui ses billets en forme de hoquets successifs ne suscitent que l’ironie et la plaisanterie.

Mais là, l’acrobate martinésiste chrétien, qui a raté une grande carrière de contorsionniste chez Pinder et autres cirques, s’est surpassé !

Comment peut-il savoir, sans avoir le livre en mains, si l’intention de Jean-Marc Vivenza est de « réduire et vouloir restreindre les sources d’inspiration de Martines aux seuls courants de pensée origénistes et augustinens » ? Mystère !

Alors pourquoi une telle mauvaise foi rageuse ?

L’explication est fort simple.Dans la présentation de son ouvrage Vivenza a écrit :  « Pour appréhender véritablement les enjeux de cette réflexion doctrinale importante s’il en est, il convient de clarifier deux points principaux relatifs à la sensibilité en effet « origéniste » qui fut partagée par Martinès de Pasqually (+ 1774), Louis-Claude de Saint-Martin (1743-1803) et Jean-Baptiste Willermoz (1730-1824), de sorte que nous puissions comprendre en quoi l’adhésion à leur doctrine représente, non une option du point de vue initiatique lorsqu’on est membre de ses voies, mais relève d’un enseignement spirituel auquel il est nécessaire d’adhérer, faute de quoi on se met soi-même en dehors des critères d’appartenance des Ordres dont le rôle est de préserver les éléments doctrinaux établis par leurs fondateurs. »

La crainte d’être sérieusement pris en défaut sur les thèses mêmes de ceux qui furent les représentants de la doctrine de la réintégration, et de se voir placé soi-même en dehors du champ d’appartenance aux Ordres qui en découlent, provoque donc une réaction irrationnelle chez le martinésiste chrétien.

Et cette terreur est palpable à lire la suite de la pitoyable analyse apriorique : « si nous suivons la règle érigée par l’auteur de cet ouvrage, tout homme qui n’adhèrerait pas à la doctrine présentée dans l’ouvrage, c’est à dire vue au travers du prisme de cette analyse personnelle et partisane de l’œuvre de Martinès et de Willermoz, se mettrait en marge des Ordres qui se revendiquent de souche martinésienne. »

Les choses sont claires, effrayé d’apparaître comme n’adhérant pas à la doctrine, non pas exposée « selon un prisme personnel et partisan », mais objectivement rappelée par Vivenza selon les sources, les fondements et les principes des fondateurs, le martinésiste chrétien tente vainement d’ouvrir des parachutes pour éviter de s’écraser sur le sol des évidences et de se voir écarter automatiquement des domaines où il essaye péniblement d’exercer une autorité !

Peine perdue. Jugeant et rejetant avant même d’avoir lu le livre de Vivenza, car sachant l’étendue de ses falsifications, l’importance de ses travestissements, le caractère évident de ses manipulations, le martinésiste chrétien s’agite pour prévenir que tout ce qu’on va lire n’est pas vrai.

Il essaye donc de nous faire croire que :

– Non jamais il n’a voulu plier Martinès aux dogmes de l’Eglise.

– Ce n’est pas lui qui trafique la pensée de Martinès pour la faire rentrer dans le cadre d’une ecclésiologie étroite.

– Il n’a non plus à aucun moment, caché, tordu, arrangé à sa sauce Martinès pour en faire un trinitaire, un partisan de la résurrection de la chair….et demain pourquoi pas un parfait chrétien confessant à la lettre le Credo de Nicée-Constantinople !

La manœuvre est grossière, trop sans doute pour abuser le plus grand nombre. Mais l’intention partisane et la perfidie surgissent vite sous la plume du néo-coën qui écrit furieux : « exiger de frères qu’ils prennent une distance d’avec les enseignements de l’Eglise afin de pouvoir adhérer à la doctrine martinésienne – alors même que Willermoz et d’Hauterive n’eurent de cesse que de vouloir concilier les deux enseignements – est un contresens, pour ne pas dire une contre-vérité, non seulement historique mais initiatique. »

On sent bien le problème.

Refusant d’admettre que dans le christianisme de Martinès, Saint-Martin ou Willermoz, ce que souligne clairement Vivenza, à la suite précisément des maîtres qui le dirent eux-mêmes, en expliquant où se trouvent les différences et quels sont les points délicats, des positions heurtent de plein fouet les dogmes de l’Eglise, en particulier sur l’origine immatérielle d’Adam, l’incorporisation charnelle comme conséquence de la Chute, le caractère nécessaire de la Création, la disparition de la matière, etc., le néo-coën voit le piège qu’il a lui-même ouvert se refermer bientôt sur lui !

Face à sa position dogmatique et ecclésiale intenable, contredisant la pensée de Martinès, Saint-Martin ou Willermoz, le néo-coën est sans échappatoire, il est pris, cerné, coincé !

Comme l’écrit justement Vivenza il faut être cohérent :

« Soit on tient les deux bouts de la chaîne entièrement, d’un côté ou de l’autre :

– 1°) En adhérant fidèlement à la foi de l’Eglise dans ses préalables au sujet de la Création – en regardant le monde matériel ainsi qu’un don et le corps charnel de l’homme de même -, comme dans ses conséquences, en espérant logiquement en une régénération de la chair et sa vocation à l’éternité par purification et spiritualisation définitive de son essence, simplement flétrie et affaiblie non substantiellement mais accidentellement un instant par le péché, lors de la résurrection des morts.

– 2°) Au contraire en faisant siennes les thèses de Martinès, ce que firent Willermoz et Saint-Martin, en considérant que la création matérielle a été tout d’abord une punition pour les esprits révoltés, et la chair une enveloppe ténébreuse ayant transformé substantiellement les fils d’Adam en êtres de matière impure, regardant ainsi l’anéantissement des formes corporelles lors de la réintégration comme une véritable libération et le retour à l’Unité spirituelle originelle.

Ou bien alors, fatalement en ne respectant pas la cohésion interne des doctrines, en oubliant volontairement un bout de leur chaîne conceptuelle, on tombe dans le piège de l’assemblage disparate. » Jean-Marc Vivenza, Martinès de Pasqually et la doctrine de la réintégration des êtres, 2012).

Il ne reste plus au martinésiste chrétien pour s’en sortir, pour s’extraire de l’assemblage disparate, que les armes des faibles : la calomnie, le dénigrement et le mensonge.

Mais à ce petit jeu, emprisonné entre ses contradictions et rattrapé par ses traficotages, auxquels il rajoute à présent la mauvaise foi haineuse et le jugement a priori, tout cela fait un mélange explosif qui aura toutes les chances de ne pas contribuer à faire survenir lors de ses opérations théurgiques que des entités angéliques !

Triste spectacle où conduit fatalement le grand écart schizophrénique entre une appartenance fidéiste à l’Eglise et le cheminement initiatique dans des domaines extra-ecclésiaux possédant une doctrine qui s’écarte des dogmes.

Un jour, pris au piège des évidences…..ça explose dans la tête !

Le G.E.I.M.M.E. : numéro thématique sur la « doctrine de la matière »

Le G.E.I.M.M.E., consacre son nouveau numéro 35 du mois de septembre 2012, à une monographique thématique entièrement dédiée à la question de la Réintégration de la Matière et du Corps de Gloire selon la doctrine de la Réintégration des êtres de Martinez de Pasqually, reprise fidèlement par Louis-Claude de Saint-Martin et Jean-Baptiste Willermoz.

Voici ce qu’écrit le G.E.I.M.M.E. pour présenter ce bulletin exceptionnel :

« Grâce à l‘excellente trilogie développée par Jean-Marc Vivenza, actuel Président de la Société des Indépendants, qui effectue une analyse exhaustive de la question mise au point à partir de l’œuvre de Jean-Baptiste Willermoz selon la doctrine qu’il a laissée implicite dans le Régime Écossais Rectifié, les écrits doctrinaux de Louis-Claude de Saint-Martin qui donneront naissance au courant Martiniste formé par ses adeptes, et finalement en approfondissant cette même doctrine exposée par Martinez de Pasqually dans son Traité sur la Réintégration, qui servira de base et de fondement aux développements doctrinaux postérieurs de ses disciples.

Comme complément, à titre introductif et général on a inclus un article sur le même sujet de Dominique Clairembault, ainsi que quelques extraits d’œuvres de Jean-Baptiste Willermoz et d’Origène (que Joseph de Maistre qualifiait comme « un grand homme et l’un des plus sublimes théologiens ayant illustré à l’Église »), dont l’enseignement concorde parfaitement avec les thèses présentées dans ce Bulletin.

Nous croyons que ces réflexions sont d’une importance vitale, en raison de la confusion qui règne d’une façon surprenante, toujours et encore de nos jours, sur cet aspect clef et fondamental de l’Initiation chrétienne, qui est centrale dans le Régime Écossais Rectifié.

C’est pour cela qu’il faut souligner l’avertissement de Jean-Marc Vivenza à ce sujet :  « l’Ordre – c’est-à-dire le Régime Ecossais Rectifié – possède de façon claire une doctrine portant sur la matière, exprimée en des termes incontestables n’autorisant, a priori , aucun doute ni aucune réserve, ceci faisant qu’il ne devrait normalement n’y avoir nulle confusion régnant en ces domaines pour quiconque respecte les positions willermoziennes et ne cherche pas à y substituer des vues étrangères ou extérieures à ces dernières qui ont, et elles seulement, autorité sur le plan doctrinal. »  (J.-B. Willermoz et la doctrine de la matière, 2012).

Nous pourrions synthétiser en peu de mots, malgré son étendue, le mystère doctrinal qui ici est analysé :  » Perit ut Vivat « , la devise qui couronne l’initiation maçonnique chrétienne du Régime Écossais Rectifié.

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Pour accéder au numéro 35 du G.E.I.M.M.E. sur la Doctrine de la matière, cliquez sur le lien ci-dessous :

BULLETINS DU G.E.I.M.M.E. A TELECHARGER

Willermoz serait-il un « sarcophobe » hérétique avec des relents de gnosticisme ?

Sur son blog, celui qui se définit comme un « Orthodoxe d’Occident», nous a généreusement gratifié cet été (du dimanche 8 juillet au lundi 30 juillet 2012), d’un lassant copier/coller de saint Irénée et de son livre célèbre « Contre les hérésies ».

L’initiative est un peu surprenante puisque l’ouvrage est aisément accessible en fichier pdf, et qu’il suffit de le télécharger et le lire à loisir, ce que nous offrons d’ailleurs volontiers aux lecteurs du Crocodile qui n’auront qu’à cliquer sur le lien pour se le procurer : « Contre les Hérésies Dénonciation et réfutation de la gnose au nom menteur. »

Qu’est-ce qui motivait donc une telle idée  un peu surprenante ?

Voici l’explication fournie par « l’Orthodoxe d’Occident » qui présente son initiative comme un « combat » :  « Je commence aujourd’hui la publication d’une série de textes du Père dans la foi de l’Eglise des Gaules, saint Irénée de Lyon. Ils sont extraits de son grand et précieux ouvrage intitulé en latin Contre les hérésies et en grec Contre la gnose au nom menteur. Ce combat est toujours d’actualité. Un des principaux champs de bataille est la question de la « chair ». En réaction excessive, absolutisée, à la sublimation des passions charnelles qui caractérise notre époque et la fait tristement ressembler à la Rome de la décadence, des esprits enclins à l’ascétisme jettent l’anathème sur cette pauvre chair qui n’en peut mais  – car ce n’est pas elle qui pèche mais l’esprit qui est en elle – la condamnent à la damnation et à l’anéantissement final. C’était la thèse des jansénistes que d’aucuns relaient aujourd’hui. Et elle a clairement des relents de gnosticisme. Telle n’est pas la position de la Tradition apostolique dont saint Irénée est un des plus brillants champions. Cette position est comme en tout sujet équilibrée, à l’abri de tout « excès » :   l’hubris, démesure, a toujours été considéré par les Pères comme une tentation dont il fallait se garder. C’est cette position traditionnelle qui est explicitée dans ce texte et ceux qui suivront. » (A Tribus Liliis, dimanche 8 juillet 2012).

Ainsi donc : « des esprits enclins à l’ascétisme jettent l’anathème sur cette pauvre chair ….la condamnent à la damnation et à l’anéantissement final. C’était la thèse des jansénistes que d’aucuns relaient aujourd’hui. Et elle a clairement des relents de gnosticisme. » Il faut donc combattre cette tendance pour a Tribus Liliis !

Mais est-ce bien les jansénistes qui sont visés par ces déclarations ? Chacun sait que ce courant spirituel du XVIIe siècle se concentra surtout sur la théologie de la grâce, et que s’il mit l’accent sur les conséquences désastreuses du péché originel sur la nature charnelle, s’est surtout signalé par sa fidélité à saint Augustin et n’insista pas outre mesure sur « l’anéantissement final de la chair » qui ne fut qu’un thème secondaire dans ses textes.

Qui peuvent donc bien être ceux qui soutiennent l’anéantissement de la chair aujourd’hui ?

« L’Orthodoxe d’Occident » le sait lui, il parle par ellipse afin de ne pas trop faire surgir une montée de boucliers contre lui pour une raison bien simple. Il exerce une charge de « Grand Aumônier » au sein d’une instance maçonnique d’essence willermozienne, information qui n’a rien de secrète, comme en a fait clairement la démonstration cet article : La Doctrine du RER, revue et corrigée par… des « Dignitaires » du RER ? 

Or chacun sait, ou devrait savoir, que le Rite Ecossais Rectifié s’appuie sur une doctrine issue des thèses de Martinès de Pasqually, qui affirme que tout le composé matériel, créé pour enserrer les démons puis l’homme dans une prison en punition de la prévarication, sera anéanti un jour et disparaîtra définitivement.

Cet enseignement traverse tout le système fondé par Willermoz, et il s’impose avec force dans les « Instructions secrètes » de la classe des Grands Profès.

En voici un exemple :

« Les corps, la matière, les animaux, l’homme même comme animal, et tout l’univers créé ne peuvent avoir qu’une durée temporelle momentanée. Ainsi donc tous ces êtres matériels, ou doués d’une âme passive, périront et s’effaceront totalement, n’étant que des pro­duits d’actions secondaires, auquel le Principe unique de toute action vi­vante n’a coopéré que par sa volonté qui en a ordonné les actes. (…) Cette réintégration absolue et finale de la matière et des prin­cipes de vie qui soutiennent et entretiennent son apparence, sera aussi promp­te que l’a été sa production ; et l’univers entier s’effacera aussi subite­ment que la volonté du Créateur se fera entendre ; de manière qu’il n’en res­tera pas plus de vestige que s’il n’eût jamais existé. »  (J.-B. Willermoz, Instructions secrètes des Chevaliers Grands Profès).

C’est une citation parmi des dizaines d’autres posant les mêmes affirmations sous la plume de Willermoz qui est le seul auteur de ces Instructions secrètes.

On est très loin de saint Irénée et de la résurrection de la chair, c’est une évidence, mais c’est la doctrine de Willermoz qui n’est pas en « option » au Rite Ecossais Rectifié, ni non plus comme on a pu le lire ridiculement une « opinion particulière » que l’on pourrait discuter. Non ! elle est le cœur de la doctrine du Régime et de toute sa perspective puisque, comme l’a démontré Jean-Marc Vivenza dans un texte fondamental : «Le Régime Ecossais Rectifié et la doctrine de la matière », cette idée se trouve déjà exprimée dès le grade d’Apprenti auquel on indique :

«…cultive ton âme immortelle et perfectible, et rends-la susceptible d’être réunie à la source pure du bien, lorsqu’elle sera dégagée des vapeurs grossières de la matière. » (Règle maçonnique, Art. II, Immortalité de l’âme).

De quelle manière a Tribus Liliis se débrouille t-il alors, entre sa place au RER, et les positions de saint Irénée qu’il brandit comme une bannière pour son « combat » (sic) et qui définissent comme hérétiques les affirmations réitérées et constantes de Willermoz ? Voici sa réponse : «J’appelle les sarcophobes, les ennemis de la chair, qui jettent sur elle l’anathème comme si elle était sous le coup d’une culpabilité irrémissible et par conséquent vouée, non au salut, et même pas à l’enfer, mais à l’anéantissement. » (A Tribus Liliis, lundi 16 juillet 2012).

Une question s’impose donc avec une certaine force : Comment a Tribus Liliis parvient-il à demeurer membre d’un système fondé par Willermoz – s’il faut l’en croire un « sarcophobe, un janséniste, un hérétique avec des relents de gnosticisme » – qui jette sur la matière l’anathème comme si elle était sous le coup d’une culpabilité irrémissible et par conséquent vouée, non au salut, et même pas à l’enfer, mais à l’anéantissement ?

Il faut avouer que tout cela est totalement incompréhensible et nous plonge dans la perplexité, et surtout nous fait nous demander au nom de qui, ou de quoi, a Tribus Liliis membre exerçant une charge importante au sein d’une organisation d’essence rectifiée, lance t-il ses anathèmes contre les willermoziens qui regardent la matière comme si elle était sous le coup d’une culpabilité irrémissible en et par conséquent vouée, non au salut, mais à l’anéantissement ?!

Combien s’impose donc cette réflexion de Pascal, certes un janséniste mais fin analyste de l’âme humaine, à propos de l’étrange attitude de l’Orthodoxe d’Occident :

« Quelle chimère est-ce donc que l’homme ? quelle nouveauté, quel monstre, quel chaos, quel sujet de contradiction, quel prodige ! juge de toutes choses... » (Blaise Pascal, Pensées).