La « Résurgence » des néo-coëns : les compagnons de l’escroquerie !

Robert Ambelain – Georges Bogé de Lagrèze – Robert Amadou

Les artisans en 1942 / 1943, de la prétendue « Résurgence » des néo-coëns

Dans le livre qui vient de paraître, « Martinès de Pasqually et Jean-Baptiste Willermoz, Vie, doctrine et pratiques théurgiques de l’Ordre des Chevaliers Maçons Élus Coëns de l’Univers » (Éditions Le Mercure Dauphinois 2020) – véritable somme de 1184 pages portant sur la relation qui se constitua au XVIIIe siècle entre Martinès de Pasqually et Jean-Baptiste Willermoz, et qui donna lieu, ensuite, à l’édification lors du « Convent des Gaules » (1778), au « Régime Écossais Rectifié » – Jean-Marc Vivenza aborde dans « l’Appendice VI » intitulé : « Les tentatives de « réveil » de l’Ordre des Élus Coëns au XXe siècle : examen des critères de validité des « néo-coëns » contemporains » (pp. 1063 à 1114), la question des « réveils » qui ont été tentés au XXe siècle, pour essayer, après leur disparition en tant qu’Ordre organisé et structuré avant même la Révolution française, de redonner une éventuelle existence aux Élus Coëns.

a) Les tentatives de réveil des Coëns au XXe siècle

Cette question est importante, puisque des deux tentatives de « réveil », si la première à l’initiative de Jean Bricaud (+ 1934), a toujours observé une relative réserve et discrétion, celle dite de la « Résurgence », en 1942 / 1943, au contraire, occupe une place significative au sein des courants initiatiques contemporains, ayant cherché à s’imposer au titre d’une légitimité soi-disant acquise par validation de la « Chose ».

Ainsi, se penchant sur le sujet, Jean-Marc Vivenza montre, dans un examen détaillé, descriptif  et documenté, qui est présenté pour la première fois, en quoi cette prétention à la légitimité relève, pour cette prétendue « Résurgence », d’une grossière forgerie aux allures d’objective « escroquerie » sur le plan initiatique.

Après avoir mis en lumière, de façon décisive et assez sévère (pp. 1063-1076), les énormes contrevérités énoncées par Robert Ambelain (1907-1997), dit « Aurifer » de son nomen néo-coën dans un navrant opuscule publié en 1948 qui critiquait vertement la confusion entre « Grande Profession rectifiée et Élus Coëns » [1], à propos de la première initiative de Jean Bricaud, ce dernier s’étant appuyé sur la qualité de Grand Profès, tout à fait authentique et renseignée d’Édouard Emmanuel Blitz (1860–1915), qui fut reçu au sein du Collège de Genève le 21 février 1899 [2], après quoi Jean-Marc Vivenza se penche sur la seconde tentative de « réveil » des Coëns, entre 1942 et 1943, sous le nom de « Résurgence », à l’initiative de Georges Bogé de Lagrèze (1882-1946),  Robert Ambelain, déjà cité, et Robert Amadou (1924-2006).

b) La pseudo « Grande Profession » de Georges Bogé de Lagrèze

Jean-Marc Vivenza écrit : « Le paradoxe le plus extravagant dans cette histoire des tentatives de « réveil » des Élus Coëns au XXe siècle, c’est que c’est précisément sur la même et identique « confusion » entre « succession cohen et succession de la Grande profession du Régime Écossais Rectifié », qu’allait s’appuyer la seconde tentative, s’autoproclamant ensuite du nom de « résurgence », à l’initiative de Georges Bogé de Lagrèze, Robert Ambelain et Robert Amadou, à Paris, en pleine période de l’Occupation en deux temps, en 1942 et 1943, la Charte de cette dite « résurgence », en date du vendredi 3 septembre 1943, s’appuyant, pour valider ce soi-disant « réveil des Coëns », sur la qualité de Chevalier Bienfaisant de la Cité Sainte et surtout de Grand Profès de Lagrèze, comme le fait apparaître son diplôme de Grand Maître de cette recréation. Ainsi la « résurgence », comme l’expliquait Robert Ambelain satisfait de ce rattachement de la « résurgence » via la Grande Profession de Lagrèze : ‘‘possède du moins une filiation initiatique régulière et incontestable, qu’elle peut prouver, depuis J.B. Willermoz derrière lui Martinez de Pasqually, par le canal des « Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte » ; il est certains faits qui, dès l’origine de la Résurgence de 1943, vinrent confirmer le bien-fondé et la valeur (sinon la régularité) de cette filiation « Willermoziste » au sein des Elus-Cohen ainsi reconstitués. Ce fut le Frère Georges Bogé de Lagrèze qui fut à l’origine de cette renaissance de l’Ordre. Or, il était Chevalier Bienfaisant de la Cité Sainte membre du Grand-Prieuré des Gaules [3].’’ » (pp. 1079-1081).  

Jean-Marc Vivenza constate immédiatement la difficulté, plus que problématique, de l’argumentaire de Robert Ambelain, puisque si Blitz fut bien Grand Profès, Bogé de Lagrèze lui était un pseudo C.B.C.S., uniquement « de papier » car sans jamais avoir été « armé » par quiconque, et a menti sur ses qualifications : « Tout ce discours, en forme d’épître hagiographique, était bien gentil, sauf qu’il dissimulait un gros problème – outre la même confusion entre Grande Profession et Ordre des Élus Coëns déjà mentionnée, confusion tout à fait identique entre les deux initiatives de « réveil », et on ne voit pas pourquoi le vice du raisonnement dénoncé chez Bricaud en 1924 serait devenu vertu par magie, lorsque soutenu en 1942 et 1943 -, c’est que si Blitz avait été un authentique Grand Profès, Lagrèze quant à lui, contrairement à ses affirmations, ne fut jamais admis dans la classe secrète, ce mensonge entraînant de nombreuses conséquences problématiques, dont la fabrication, plus tard, ex-nihilo, d’une pseudo Grande Profession par les soins de Robert Ambelain, Grand Profession qui se répandit ensuite de façon anarchique à la marge du Régime Rectifié, et y demeure d’ailleurs toujours, bien que dénuée de toute validité. » (p. 1081)

c) Auto-proclamation de la légitimité illusoire de la « résurgence »

Poursuivant son examen des prétendues « qualifications » de la « Résurgence » néo-coën, Jean-Marc Vivenza souligne fort justement : « On le voit, la pseudo Profession de Lagrèze, dont on fit ensuite dépendre la légitimité des transmissions issues de la « résurgence » de 1943, et des lignées, aujourd’hui foisonnantes, des pseudos collèges de pseudos « grands profès » rattachés à cette source, relevait tout simplement de l’escroquerie initiatique. Pourtant, les acteurs de la « résurgence », dont l’usage de la supercherie ne les faisait apparemment pas frémir, se lançaient ensuite avec une incroyable prétention, dans la rédaction de « Statuts Généraux », dans lesquels on pouvait lire, mêlant de façon invraisemblable et dans une confusion incroyable, filiations Martinistes, de Memphis-Misraïm, et de l’Église Gnostique. » (p. 1084).

Voyant que les bases de cette « pseudo Résurgence » reposaient sur des mensonges, Robert Amadou, qui put vérifier lui-même à Genève le caractère illusoire des allégations de Bogé de Lagrèze, tenta par la suite de corriger le tir et fit appel à un nouvel argument pour essayer de sauver l’initiative de 1943 / 1943.

d) Les difficultés de la « résurgence » de 1943 et la prétendue «grâce de la « Chose »

Ce sont ces essais infructueux de sauvetage de l’escroquerie initiatique dite de la « Résurgence néo-coën », que décrit en détail Jean-Marc Vivenza : « De par la somme importante accumulée des difficultés entourant cette prétendue « résurgence », Robert Amadou tenta, dans différents textes et brochures, certains signés de son nomen initiatique « Ignifer », de trouver une issue aux difficultés, et dont la conclusion, le plus souvent, était la suivante, après avoir montré en quoi l’illusion d’une continuité entre l’Ordre des Élus Coëns et la Grande Profession, détenue par Georges Lagrèze, participait d’un rêve pieux :  ‘‘En prêtant contre l’évidence la qualité de Grand Profès à Lagrèze, celui-ci ne pouvait transmettre son éventuelle ‘‘initiation de Grand Profès’’, car on ne devient pas Grand Profès en vertu d’une initiation individuelle, mais par l’agrégation à un collège de Grands Profès, décidée à l’unanimité de ses membres […] La filiation rituelle des Élus coëns ne saurait se confondre avec la filiation imaginaire des Grands Profès, mais non plus avec aucune autre filiation initiatique de nature rituelle. En l’absence de toute filiation rituelle, s’agissant des Élus coëns, n’est avérée, à l’époque contemporaine, qui remonterait en deçà de cette résurgence [4].’’  Au moins, l’aveu d’Amadou formulé dans cette brochure datant de 2001, quoique tardif et faisant suite à des péroraisons sur l’intervention supposée de la « Chose » qui aurait validé la « résurgence », avait valeur de témoignage et de confession, ce qui ne l’empêchait pas, cependant, de conclure par cette affirmation tant de fois réitérée de façon incantatoire : ‘‘La validité de la résurgence coën […] a été vérifiée sans ambages et dès avant la lettre, en 1942, par la grâce de la chose, qui ne se démentit point par la suite. La filiation rituelle issue de cette résurgence en tire sa propre validité [5].’’» (pp. 1087-1088).

e) Les délirantes justifications de Robert Ambelain et Robert Amadou

Jean-Marc Vivenza s’interroge alors  non sans raison : « Pourtant, de quelle grâce de la « Chose » s’agit-il ?  Amadou révèle que le 24 septembre 1942, à minuit, « des grandes opérations d’équinoxe, selon la tradition de Martines de Pasqually [6]» furent organisées […] Le 7 avril 1943, date équinoxiale en cette année-là nous est-il dit, la même procédure fut reproduite par laquelle des « passes » sensibles se manifestèrent de nouveau aux opérants. Admettons. Mais, posons-nous la question, quel rapport ces « passes » – si « passes » il y eut car on peut toujours mettre en doute la valeur de ce type d’impressions subjectives obtenues par des rituels nocturnes tirés de sources éparses composés d’invocations dirigées vers des entités mal définies -, ont-elles à voir avec une confirmation de la justesse d’un projet visant à réveiller l’Ordre des Coëns disparu au XVIIIe siècle ? Strictement aucun, car du point de vue des critères traditionnels sur le plan initiatique, tout ceci participait de la simple croyance collective, pouvant aisément s’abuser et être abusée, en une supposée intervention surnaturelle, mais dont nul n’était en mesure, faute de posséder les qualifications requises, de déterminer la nature, intervention qui pouvait donc parfaitement être soit bénéfique soit maléfique, provenir de n’importe quelle origine psychique fantasmatique voire surgir, par les invocations prononcées de façon aveugle sans les précautions requises, de l’action de créatures immatérielles dérangées des régions où elles sommeillent, et signifier tout autre chose que ce que l’on imaginait y voir ; en réalité personne n’en savait rien. » (p. 1089).

Continuant son questionnement Jean-Marc Vivenza explique alors : « On apprendra simplement par Ambelain, qu’un « oracle astral » aurait communiqué en 1943 des phrases teintées de doctrine martinésienne. » Cependant, à leur lecture, il est identiquement difficile de prêter à cette communication transmise par un « oracle astral », une quelconque autorité capable de valider le projet relativement ambitieux, en quoi consistait cette volonté de résurgence de l’Ordre des Coëns. On est donc dans des régions psychologiques voisinant avec l’autojustification à visée intentionnelle, s’appuyant, pour en légitimer la réalisation, sur la revendication de la manifestation de phénomènes non probants, c’est-à-dire, pour être clair, en plein rêve, que l’on désignera, par bienveillance, de « rêve pieux ». Toutefois ce « rêve pieux » – faute de mieux et devant la dure réalité des évidences mettant en lumière les arrangements avec la vérité du duo Lagrèze/Ambelain -, qu’on présenta volontiers, et dans une foule de textes, sous les traits d’une sincère intention pour conférer une hypothétique légitimité à cette « résurgence », ainsi qu’aux groupes et chapelles néo-coëns qui s’en revendiquèrent après cette date, participe pourtant d’aspirations que l’on pourrait dénommer, au minimum, de « délirantes », et qui sont le plus souvent discrètement passées sous silence, bien que méritant d’être rappelées, puisqu’ayant été mises en avant en 1943 par Bogé de Lagrèze dans la « Charte de Reconstitution et de Réveil de l’Ordre des Chevaliers Elus-Cohen de l’Univers », avec pour « considérant » préliminaire le [second] point suivant [parmi les quatre] : « […] 2°) Le fait que ces Opérations permettent d’assurer une purification régulière de l’Aura Terrestre et faire échec aux courants maléfiques issus du Cône d’Ombre et manipulé intentionnellement par ses satellites [7]. »  (pp. 1089-1090).

f) La « Résurgence » néo-coën entreprise dénuée de légitimité

Le jugement de Jean-Marc Vivenza au sujet de cette « Résurgence » est en conséquence sans appel, rigoureux mais cohérent au regard des critères initiatiques authentiques : « On est donc en présence, lorsqu’on prend connaissance des [justifications], sous prétexte d’une prétendue « résurgence » des Élus Coëns en 1943, de ce qui s’apparente objectivement à une fable singulièrement problématique, dont les effets nocifs n’ont eu de cesse de polluer un milieu initiatique assez perméable en la matière, et souvent peu regardant sur les critères de crédibilité, le dit Ambelain étant allé ensuite jusqu’à forger une pseudo « Grande Profession » factice avec un rituel de son invention, en s’appuyant sur la transmission imaginaire de Lagrèze [8], se proclamant, de plus, le « Grand Souverain » d’un Ordre « néo-coën » jusqu’à ce que Lagrèze, décide de se démettre de cette charge dès le 8 mai 1945, prenant conscience que la plaisanterie était sans doute allée un peu trop loin. «  (p. 1098).

g) Les fables en forme de contes de fées de « l’influx sui generis »

Après avoir présenté les différents épisodes qui se succédèrent au titre de cette « Résurgence » des néo-coëns suite au retrait de Robert Ambelain en 1968 (pp. 1098-1101), Jean-Marc Vivenza nous dit : « Des initiatives se mettant sous le patronage spirituel de Robert Amadou et se réclamant d’un « judéo-christianisme » se voulant fidèle, du moins en intention, à Martinès, tout en déclarant, pour certains, souhaiter poursuivre la « christianisation des coëns » dans l’esprit des leçons de Lyon (sic), en s’accompagnant d’une nette tendance à la séduction pour les formes cultuelles de l’orthodoxie à l’imitation de leur guide, apparaîtront à partir du milieu des années 1980, puis surtout de la décennie 1990 et au début des années 2000 […] Cependant, face au refus de Robert Amadou, qui ne ménageait pas en privé ses vives critiques sur ce qu’il était advenu de la résurgence, d’accepter de conférer des transmissions à ces « néo-coëns » qui se baptiseront, faute de mieux, « de désir », ces micros chapelles, avant même le retour au ciel « d’Ignifer » en mars 2006, ce qu’il n’appréciera guère d’ailleurs, se verront contraintes de se tourner, soit vers Ivan Mosca « Hermete », soit vers la branche brésilienne de l’O.M.S., provenant de Bentin, ou encore par la suite, vers d’autres relais occasionnels au gré des circonstances et des opportunités, pour obtenir un rattachement avec le réveil de 1943, voyant ainsi se refermer sur elles, inévitablement, le piège des sources originelles douteuses et entachées d’invalidité sur le plan initiatique de la résurgence. C’est à cette période que l’on vit toutefois apparaître un nouveau type d’argument, à vue immédiate plus subtil que les revendications à la légitimité formulées par Robert Ambelain dans l’immédiat après 1943 et jusqu’en 1967, que beaucoup voyaient s’effriter devant l’évidence des faits, dont Robert Amadou fut à l’origine, consistant à invoquer, pour légitimer la résurgence, sa confirmation par des signes probants de la « Chose ». Il apparut ainsi qu’Amadou, qui avait varié assez souvent dans la recherche des justifications visant à légitimer la résurgence, n’hésitant pas à utiliser plusieurs méthodes rhétoriques différentes, à l’occasion de la publication de textes destinés à des dictionnaires et encyclopédies maçonniques, se mit à faire allusion à l’existence d’un « influx sui generis » agissant dans le cadre des Coëns, dans lequel certains ont cru pouvoir trouver une caution pour valider leur propre entreprise visant à se revendiquer de l’Ordre éteint, et se déclarer dès lors « néo-coëns de désir », en oubliant un peu vite, que l’activation de cet « influx » répondait à des critères bien définis, qu’Amadou lui-même tint à préciser : « Suivant l’enseignement et la pratique constante de Martines de Pasqually, premier grand souverain connu de l’Ordre dit, en abrégé, des Elus Cohen, on tiendra pour acquis : l’entrée et le progrès dans l’Ordre s’effectuaient par la communication d’initiateur(s) qualifié(s) à récipiendaire qualifié (et, au cas du degré suprême de Réau-Croix, d’ordinant(s) qualifié(s) à ordinand qualifié, selon des modalités différentes et successives correspondant aux grades hiérarchiques, d’un influx sui generis ; toutes réserves faites sur l’origine et la nature de cet influx [9].» On le voit, dans l’esprit d’Amadou, il s’agissait d’un « influx » certes, « sui generis » également, mais se transmettant « d’initiateur(s) qualifié(s) à récipiendaire qualifié », et il n’était pas question d’un pouvoir fluidique, ou d’un « influx », provenant d’on ne sait où et pouvant être revendiqué par n’importe qui, installé dans son salon, l’amenant à s’autoproclamer à qui voudra bien l’entendre, élu coën, Grand Architecte, Réaux-Croix et pourquoi pas Grand Souverain tant qu’on y est ; il y a des critères à respecter et ceux-ci relèvent des règles traditionnelles de transmission, « d’initiateur(s) qualifié(s) à récipiendaire qualifié », en l’absence lesquelles règne la plus totale anarchie, chacun pouvant se croire autorisé lorsque les principes sont oubliés, à s’imaginer ceci ou cela selon son bon vouloir. » (pp. 1101-1104).

Conclusion : la « Résurgence » des néo-coëns relève de l’escroquerie initiatique

La conclusion de Jean-Marc Vivenza, après le long rappel des éléments exposés de cette contrefaçon ayant allure d’authentique supercherie portant le nom de « Résurgence », est donc sans appel : « Ainsi donc, et concrètement, en fait de « néo-coëns de désir », lorsque ceux-ci se réfugient derrière l’invérifiable « grâce d’une filiation spirituelle vérifiée » (sic), ou la fumeuse manifestation d’un « influx » évanescent pour se prévaloir du « réveil » légitime de l’Ordre – ce type d’auto-certification obtenue à peu de frais (de par l’absence depuis deux siècles, d’émules qualifiés capables de poser un verdict autorisé sur ces phénomènes, en sachant discerner ce qui relève des dispensations célestes des artifices trompeurs), n’ayant que peu de poids -, se retrouvèrent finalement, par cette antique technique de « l’oracle » à qui l’on peut faire dire tout ce que l’on veut sans risquer d’être contredit, dans la situation classique tant de fois constatées des victimes volontaires et consentantes de leurs illusions, se livrant à une projection  imaginaire de leur propres « désirs » […] On appréciera en conséquence à sa juste valeur – après ce que nous venons de voir comme participant d’objectives approximations en matière d’initiation, s’accompagnant ensuite de forgeries de la part des acteurs de la « résurgence », suivies des impressions sensibles des « néo-coëns de désir » contemporains -, la complaisance avec laquelle on ose encore considérer les évidentes limites de ce qui s’apparente à une rêverie chimérique pouvant prendre une place de choix dans l’histoire, pourtant déjà bien remplie, des canulars maçonniques, comparativement à la sévérité de jugement vis-à-vis de l’initiative de Jean Bricaud [10], et l’art consommé de l’histoire romancée mis au service de ce pseudo « réveil », quoique ressemblant fort à une authentique contrefaçon initiatique, qui aurait eu le pouvoir, par une faculté mystérieuse accordée à la période de l’Occupation allemande à Paris, de « métamorphoser » (sic) des « Élus coëns putatifs en néo-coëns » trois personnages dépourvus des qualifications requises pour se lancer dans une telle entreprise »  [11] […] cette seconde initiative de réveil des Coëns, qui, si elle s’autoproclama « résurgence », cela fut surtout pour faire « ressurgir », hélas, des comportements très éloignés des principes initiatiques, mêlés à des fantasmagories imaginaires en tous genres, des aspirations à pouvoir se lancer dans la pratique de la magie cérémonielle et la théurgie active, s’accompagnant de la construction d’improbables qualifications suivie de la distribution généreuse de divers titres et charges « néo-coëns » […] C’est donc avec étonnement qu’on lira ces lignes de Robert Amadou : « L’Ordre des Élus coëns a été réveillé, par la grâce d’une filiation spirituelle vérifiée, en 1942-1943 : Georges Lagrèze (1943-1946), puis Robert Ambelain (1946-1967), Grands Maîtres; Ivan Mosca, Grand Souverain, à partir de 1967. Des frères opèrent, seuls ou en groupes, dans l’autonomie, tous issus de la même résurgence [12]», ceci  montrant d’ailleurs, qu’en cherchant à donner l’apparence d’un semblant de validité à la « résurgence », on aura pu en réalité, attitude qui fit école, dissimuler objectivement une volontaire cécité aboutissant à une incapacité à énoncer les criantes limites en matière d’authenticité initiatique d’une telle aventure rocambolesque. » (pp. 1108-1113).

*

Le verdict énoncé par Jean-Marc Vivenza, en dernière ligne de cet « Appendice VI », étude fondamentale pour la connaissance précise du monde initiatique contemporain, ce dont il faut le remercier vivement, participe d’une rare lucidité :

« En ce monde, ce qui fut, a disparu et n’est plus,

ne revient jamais :

 “A posse ad esse non valet consequentia” » (p. 1114).

Martinès de Pasqually et  Jean-Baptiste Willermoz

Commande du livre :

Le Mercure Dauphinois, 2020, 1184 pages.

Notes.

[1] R. Ambelain, Le Martinisme Contemporain et ses véritables origines, Les Cahiers de DESTINS, Paris, 1948 (réédition Signatura, 2011). Jean-Marc Vivenza fait pertinemment remarquer, à propos de ce livre de Robert Ambelain et des assertions aberrantes qu’il contient à l’égard de Jean Bricaud, le jugement pour le moins tendancieux de Serge Caillet : « Ainsi, prétendre que Robert Ambelain (1907-1997) dit Aurifer, en 1948, aurait « produit des arguments décisifs qui viennent contredire les arguments de Bricaud » (S. Caillet, « Il était une fois les Élus coëns de désir », in Bulletin de la Société Martinès de Pasqually, n° 29, 2019, p. 78.), relève d’une curieuse interprétation des faits et d’un rapport pour le moins étrange avec la cohérence historique… » (Cf. J.-M. Vivenza, Martinès de Pasqually et Jean-Baptiste Willermoz, op.cit., p. 1068).

[2] Cf. « Registre du Collège Métropolitain de Genève », in A. Bernheim, Une histoire secrète du Régime écossais rectifié, Genève, Slatkine, pp. 216-217.

[3] Cf. Sâr Aurifer, L’Ordre des Elus Cohen et sa Filiation par, n.d..

[4] R. Amadou, La Résurgence, notice historique, CIREM, « Carnet d’un élu coën », 3, 2001, p. 6.

[6] Ibid., p. 3.

[7] Cf.  Charte de Reconstitution et de Réveil de l’Ordre des Chevaliers Elus-Cohen de l’Univers, 1943.

[8] Ce rituel fantaisiste, dans lequel on fait figurer un autel où est placé un masque posé à la croisée des lames de deux glaives, le tout encerclé par une cordelière rouge disposée en « lacs d’amour, ses deux extrémités nouées par un noeud de carrick » (sic), est le pur produit de l’imagination de Robert Ambelain, se situant à une immense distance du climat extrêmement dépouillé emprunt d’une rigoureuse sobriété et étroitement doctrinal de la classe secrète fondée par Willermoz. On pourra se reporter sur ce sujet, quoique la divulgation des rituels et manuscrits ne soit pas conforme aux règles et principes de la Profession, à : « La Grande Profession, documents et découvertes, le Fonds Turckheim », Renaissance Traditionnelle, n°181-182, janvier-avril 2016.

[9] R. Amadou, [Martinisme], in D. Ligou, Dictionnaire de la Franc-maçonnerie, PUF., 1991, p. 786.

[10] Robert Amadou ne demeura pas en reste dans le domaine des critiques tendancieuses et outrageusement à charge à l’encontre de Jean Bricaud. (R. Amadou, [Martinisme], in D. Ligou, Dictionnaire de la Franc-maçonnerie, op.cit., p. 787).

[11] En note Jean-Marc Vivenza précise : « Par-delà le fait que Lagrèze, n’était C.B.C.S. que par équivalence et nullement Grand Profès comme il le prétendait, en 1943, Robert Ambelain quant à lui, Apprenti depuis le 26 mars 1939 à la loge « La Jérusalem des Vallées Égyptiennes », au Rite de Memphis-Misraim, Associé de l’Ordre Martiniste Traditionnel en juin de la même année, aurait été reçu Compagnon et Maître les 24 et 17 juin 1940, selon ses affirmations et sans pouvoir en fournir la preuve, dans le camp de prisonniers d’Epinal lors d’une tenue clandestine, puis Supérieur Inconnu de l’O.M.T. en décembre 1940 ; son domicile parisien, 12, square du Limousin, Paris (13e), abritant ensuite les tenues du chapitre de la Loge « Alexandrie d’Égypte », Lagrèze, en raison des conditions de guerre, lui transmit par communication et de façon non rituelle, non sans vivement contrarier Jean Chaboseau, les degrés de perfection du Rite Écossais Ancien et Accepté, et les hauts grades de Memphis Misraïm. Pour ce qui est de Robert Amadou, qui avait simplement bénéficié de la réception du degré de Supérieur Inconnu de l’Ordre Martiniste, avec le nomen d’« Ignifer », en septembre 1942, il était simple Apprenti, reçu par Robert Ambelain le 6 juin 1943, au sein de la loge « Alexandrie d’Egypte ». En résumé, pour « opérer » le réveil d’un Ordre de « Chevaliers Maçons » disparu depuis près de deux siècles, en date du 3 octobre 1943 où fut officialisée la « résurgence », sur le strict plan rectifié, seul canal reliant à Willermoz et de Willermoz à Martinès, un C.B.C.S. de papier, par équivalence administrative, (Lagrèze), et du point de vue maçonnique « apocryphe », un Maître, sans certitude de sa réception, de Memphis-Misraïm, (Ambelain), et toujours venant de Memphis-Misraïm, un jeune Apprenti âgé de 19 ans à l’époque, reçu par Ambelain depuis seulement 4 mois, (Amadou). » (Op.cit., pp. 1111-1112).

[12] R. Amadou, [Élus-coëns], Encyclopédie de la Franc-maçonnerie, sous la direction d’Éric Saunier, Librairie générale française, édition 2000, pp. 249-250.

Entretien avec Jean-Marc Vivenza sur « L’Esprit du Saint-Martinisme et la Société des Indépendants »

« La véritable génération à laquelle l’âme humaine est appelée aujourd’hui, est tellement sublime qu’il ne serait peut-être pas à propos d’en parler encore. Néanmoins, disons en passant que l’âme humaine n’est appelée à rien moins qu’à engendrer en elle son Principe divin lui-même… » 

L.-C. de Saint-Martin, L’esprit des choses, « De la génération des âmes » (1800).

Dans un entretien accordé au printemps 2016 à la revue Ultréia [1], Jean-Marc Vivenza signalait, au titre des sociétés de prière cultivant une « distance d’avec les formes », que « l’une des plus dignes d’intérêt dans cet ordre de « transcendance pieuse », est celle-là même dite « Société des Intimes », ou des « Indépendants », conçue par Louis-Claude de Saint-Martin (1743-1803) au XVIIIe siècle dans le climat de l’illuminisme européen, et dont il annonçait : « Cette ‘‘société’’ n’a  nulle espèce de ressemblance avec aucune des sociétés connues » ; rajoutant : « C’est cette ‘’société’’ que je vous annonce comme étant la seule de la terre qui soit une image réelle de la société divine, et dont je vous préviens que je suis le fondateur.» (L.-C. de Saint-Martin, Le Crocodile, Chant 14 et 91, 1799). »

Dans L’Esprit du saint-martinisme, récemment édité à « La Pierre Philosophale » [2], Jean-Marc Vivenza revient sur les « fondements spirituels » de cette « œuvre de sanctification » que constitue, par-delà les temps, cette « fraternité », silencieuse et invisible, « cercle intime des pieux Serviteurs » répondant à la volonté initiale de Louis-Claude de Saint-Martin, et au sujet de laquelle l’auteur a eu l’amabilité de nous accorder cet entretien.

–  E N T R E T I E N  –

– Préalablement aux questions qui, ici, font l’objet de nos préoccupations, pourriez-vous nous préciser quels ont été le projet et l’intention, à l’origine de cette édition imposante que constitue votre dernier ouvrage ?

Paradoxalement, cet ouvrage ne provient pas d’une intention personnelle, mais a pour origine l’idée, pertinente au demeurant, de Diego Cerrato, Président du G.E.I.M.M.E. (Grupo de Estudios e Investigaciones Martinistas & Martinezistas de España), de regrouper de nombreux textes qui avaient été rédigés et diffusés en différentes circonstances depuis plusieurs années, mais devenus au fil du temps peu accessibles, pour en faire un livre à part entière portant sur « L’Esprit du saint-martinisme », car c’est bien d’un « Esprit » dont il est question et de façon d’ailleurs éminemment caractéristique, livre qui fut tout d’abord publié en 2019 en castillan, chose suffisamment rare et qui mérite d’être signalée, par les éditions Manakel situées à Madrid.

La dimension imposante de cet ouvrage, près de 600 pages, s’explique donc par l’abondante documentation disponible en matière de recherches éparses, discours, exposés, communications, conférences, etc., jalonnant l’histoire de l’émergence d’un courant dit effectivement « saint-martiniste » pour se distinguer du « martinisme » papusien – et non pas « saint-martinien » (sic), terme en vogue dans les études de lettres classiques et les sphères universitaires traitant de Saint-Martin, milieu cependant dénué de toute perspective initiatique et faiblement, pour ne pas dire aucunement, pertinent en matière de spiritualité, sans référence aucune avec le courant issu de l’Ordre fondé par Papus, ce qui évidemment n’est pas le cas du « saint-martinisme » qui n’a jamais renié, ni ne cache non plus, sa filiation « ésotérique » mais, au contraire, la revendique pleinement, tout en ayant voulu et continuant à œuvrer en ce sens, à la « réformer » -, qui souhaita, dès sa fondation, revenir en fidélité à l’enseignement de Louis-Claude de Saint-Martin, largement incompris et singulièrement oublié depuis la diffusion au XVIIIe siècle des écrits de celui qui signait simplement ses travaux du nom du « Philosophe Inconnu ».

– En quoi, précisément, et puisque le titre de l’ouvrage les associe, « l’esprit du saint-martinisme » est-il indissociable, ou pour le moins lié, à la vocation de cette « Société des Indépendants » qui, chez Louis-Claude de Saint-Martin, semble désigner cette « Église véritable des Saints », si caractéristique du courant théosophique européen ?

Afin de percevoir le lien qui unit « esprit du saint-martinisme » et la « Société des Indépendants », entendue par Saint-Martin comme étant « l’Église véritable des Saints », il faut se pencher un instant sur les sources du Philosophe Inconnu, ce qui permet d’expliquer par ailleurs la plupart de ses positions théosophiques et mystiques, et évite de commettre bien des erreurs et contre-sens à propos de sa pensée.

En effet, le théosophe d’Amboise, à une période où les thèses théosophiques circulaient en Europe, fut fortement marqué par les écrits et la spiritualité de ce qu’il est convenu d’appeler « les disciples anglais de Jacob Boehme » ou « Philadelphes » – à savoir Jane Lead, John Pordage, Gottfried Arnold et surtout William Law, comme en témoigne éloquemment d’ailleurs sa lettre à Kirchberger de juillet 1792, dans laquelle Saint Martin conseille à son correspondant la lecture de deux ouvrages, qui lui ont fait « beaucoup de plaisir surtout le deuxième », c’est-à-dire celui de Jane Lead, portant « sur la voie intime et secrète » de l’Église intérieure [3].

Rappelons d’autre part, afin d’écarter diverses méprises, que cette étroite proximité avec les auteurs anglais et le courant des Philadelphes, ne provient pas uniquement des déclarations de Jean-Baptiste Modeste Gence, comme certains le croient à tort en l’affirmant un peu rapidement, mais est explicitement confirmée par Jacques Matter, biographe de Saint-Martin, époux de la petite fille de Frédéric-Rodolphe Saltzmann dont on sait les liens intimes avec le Philosophe Inconnu, qui soutient :

William Law (1686-1761)

« À côté de ces attraits l’Angleterre en offrait d’autres à Saint-Martin : une suite notable d’écrivains mystiques, depuis Jane Leade, élève contemporaine de J. Boehme et fondatrice de cette Société philadelphienne qui eut des affiliations dans tout le nord de l’Europe, jusqu’à William Law, traducteur du célèbre philosophe teutonique, ou plutôt auteur d’une nouvelle édition de la traduction anglaise la plus ancienne de ses œuvres. William Law, ministre anglican, se faisait remarquer précisément à cette époque par la tendresse toute mystique qui respirait dans ses publications morales et religieuses ; et dans un pays où régnaient encore une foi ardente et une grande piété au milieu des bruyantes attaques des libres penseurs, un écrivain d’une si haute mysticité dut rencontrer de vives sympathies. Law jouit de cet avantage. Animé de tous ces sentiments de foi pénitente et d’humilité évangélique auxquels Saint-Martin lui-même s’appliquait en sa qualité de missionnaire chrétien, la propagande de Law avait en Angleterre un succès très-éclatant. C’était celle-là même que Saint-Martin faisait en France. Elle inspira le plus grand intérêt à l’auteur du livre des Erreurs et de la Vérité, et Saint-Martin aurait pu signer, sinon l’Esprit de la prière, du moins l’Appel aux incrédules, de Law, comme Law aurait pu signer les pages de Saint-Martin. Les deux théosophes se lièrent étroitement, et si Law conçut pour son noble visiteur une tendre affection, Saint-Martin cita volontiers à ses amis le nom ou les écrits de son frère d’outre-Manche [4]

Ainsi, les thèses sur « la vie de l’assemblée invisible en esprit » de Jacob Boehme, à l’école duquel Saint-Martin se plaça avec enthousiasme, et qui n’est pas pour rien désigné comme étant le « Père de l’Église intérieure », se retrouvèrent sous la plume de ses disciples anglais, et furent adoptées par le Philosophe Inconnu qui se positionna clairement dans ses principaux livres en faveur de « l’Église véritable des saints », c’est-à-dire l’assemblée des âmes régénérées et purifiées, libérées des formes et cérémonies « extérieures » pratiquées par les diverses églises institutionnelles (les nombreux passages en ce sens du Ministère de l’homme-esprit (1802) sont absolument démonstratifs à cet égard), établissant un parallèle entre la « société céleste des élus », notamment dans son poème épico-magique, Le Crocodile, ou la guerre du bien et du mal arrivés sous le règne de Louis XV (1799), dans lequel est signalée l’existence d’une « Société » placée sous l’autorité de Madame Jof, c’est-à-dire « la Foi », qu’il dénomme « Société des Indépendants », ainsi décrite  : « [elle] s’étend dans toutes les parties de la terre et porte le nom de Société des indépendants, n’a aucune espèce de ressemblance avec des sociétés connues […]».

– Qu’a de commun la « Société des Indépendants » évoquée par Saint-Martin dans son livre Le Crocodile, et la « Société des Indépendants », structure initiatique contemporaine active aujourd’hui au titre d’une voie « saint-martiniste » ?

Pour le comprendre, il convient simplement de se reporter à l’histoire de la constitution de la « Société des Indépendants », active aujourd’hui au titre du « saint-martinisme », constitution qui est évoquée dans le livre qui vient de paraître [pages 111 à 116, en particulier dans la note 54, p. 114], sans que soient précisées en détails, ce qui a été volontaire, les modalités de cette constitution.

Ceci étant, comme il semble, à en juger par les analyses partielles, voire partiales, lues récemment, que l’on s’exonère d’une lecture attentive au profit d’une réitération réflexe de positions conjuguant a priori biaisés et opinions orientées, éclairons donc ce qui doit l’être, et qui aurait peut-être dû l’être de façon plus explicite.

« La « Société des Indépendants » – en tant que « cénacle » théosophique et mystique ne prétendant pas, bien évidemment, à lui seul incarner l’ensemble de la « Société invisible des intimes » -, fut constituée en octobre 2003 sur proposition dénominative de Robert Amadou, en tant que réforme contemporaine du papusisme. »

En 2003, après la journée d’hommage à la mémoire du Philosophe Inconnu, traditionnellement célébrée le 14 octobre en l’église Saint-Roch, se sont retrouvés en « assemblée », dans un local en sous-sol de la rue Keller (Paris XIe), des frères martinistes, majoritairement maçons du rite écossais rectifié du Grand Prieuré des Gaules, appartenant à divers « Ordres » (O.M., O.M.S., O.M.L., O.M.T., O.M.S.I., etc.), souhaitant s’unir pour entreprendre un « retour à Saint-Martin » en essayant de s’approcher au plus près de sa pensée, puisque constatant l’extrême distance qui séparait les travaux des « Ordres martinistes » précités de l’authentique doctrine du théosophe d’Amboise.

Ce regroupement, hautement hétérogène et multicolore, de par les vêtures et les décors, sans oublier les soutanes, que portaient les uns et les autres dans cette cave aménagée en loge, recherchait une appellation pour se désigner, ceci par-delà la dénomination officielle de « Grand Chapitre Martiniste » qui venait d’être entérinée, et la structure mise en place au sein du Grand Prieuré des Gaules par ordonnance en date du 8 décembre 2003.

C’est à Robert Amadou (+ 2006) – [présent, soit dans l’assemblée du 14 octobre 2003 soit à une date rapprochée], personnalité complexe non taillée dans un seul bois, ayant appelé dans les années 90, d’un côté, à la reprise des « opérations » néo-coëns tout en l’assortissant de conditions drastiques [5], et de l’autre, considérant et en le faisant savoir à partir du début des années 2000, en l’accompagnant de jugements sévèrement critiques sur ce qu’était devenue selon-lui la « résurgence de 1942 / 1943, soit à ses yeux « un échec et une erreur » récupérée et revendiquée par « de piètres instituteurs non qualifiés » (sic) [6], que « rien n’était supérieur à l’interne » (sic) -, à qui l’on doit la proposition de se référer à la « Société des Indépendants » du Crocodile, pour qualifier ce « regroupement » informel de frères martinistes désireux de rompre avec leurs anciens rattachements pour revenir en fidélité à Saint-Martin en abandonnant le folklore occultiste (divination, hermétisme, guématrie, théurgie,  chakras, tarot, spiritisme, etc.), qui faisait l’essentiel des travaux des Ordres martinistes toutes tendances confondues.

La proposition de Robert Amadou fut adoptée, et c’est de la sorte que vit le jour, non pas un « Ordre martiniste » de plus, ce n’était pas du tout l’intention, bien au contraire, mais un « cénacle » théosophique et mystique – ne prétendant pas, bien évidemment, à lui seul incarner l’ensemble de la « Société invisible des intimes », mais, tout au moins, en être un humble et priant « témoignage » pour la présente période -, se référant au « saint-martinisme » afin de bien identifier sa perspective initiatique, ce qui signifie, pour être tout à fait clair à ce sujet, que n’étaient pas rejetées les transmissions et les formes rituelles provenant de l’Ordre fondé par Papus au XIXe siècle, transmissions et formes qui furent conservées avec respect et une juste reconnaissance à l’égard de ce qui avait été accompli par les anciens sans lesquels l’héritage de Saint-Martin se serait entièrement perdu ou devenu un simple objet d’érudition, mais que le temps était désormais venu de les « réformer ».

D’où l’apparition, et depuis lors le développement et la vie discrète, quoique relativement active, de cette « Société des Indépendants », constituée lors du dernier trimestre 2003 sur proposition dénominative de Robert Amadou, en tant que réforme contemporaine du papusisme.

– Quelles sont les grandes orientations spirituelles qui fondent l’originalité de la « Société des Indépendants » constituée, ou plus exactement « remise en lumière », en ce début de XXIe siècle ?

Les orientations de la « Société des Indépendants » ne sont autres que celles fixées par Saint-Martin à ses intimes au XVIIIe siècle – et auxquelles il aurait d’ailleurs fallu être fidèle, si l’on avait voulu réellement se revendiquer de la pensée du Philosophe Inconnu -, à savoir prier et cheminer dans une voie de « pure intériorité », dans la simplicité nue de la mystique silencieuse, là « où il ne faut d’autre flamme que notre désir, d’autre lumière que celle de notre pureté [7]». C’est peu et c’est beaucoup, car cela implique, pour chacun, de s’engager sérieusement dans un intense travail de purification, préalable dont on ne peut s’exonérer et qui, lorsqu’il n’est pas respecté et effectué avec rigueur, conduit toujours à des échecs catégoriques sur le plan initiatique, afin d’avancer vers les régions de « l’Esprit ».

Il s’agit donc, en conséquence, d’une « voie silencieuse », une voie strictement intérieure unissant, en une même « société » – que l’on est autorisé à définir comme d’essence fondamentalement religieuse -, les âmes solitaires, « Silencieux Inconnus » qui prient et pratiquent l’oraison de remise de l’esprit en Dieu, ainsi que les exercices de l’abandon mystique de l’âme au sein du « Temple de l’Esprit Saint », qui se trouve uniquement dans la secrète chambre du cœur de l’homme (Luc XVII, 21).

Ceci explique pourquoi Saint-Martin rejeta avec une rare vigueur – sans en appeler, comme on l’entend aujourd’hui trop souvent proféré en une incohérente litanie, à une prétendue « harmonie des voies » au nom d’un imaginaire « non-dualisme » mal compris, relevant surtout d’une gêne visible face aux affirmations intransigeantes et dérangeantes du Philosophe Inconnu -, les initiations selon les formes et les méthodes préconisées par Martinès de Pasqually.

Saint-Martin insista suffisamment sur la nécessité d’une approche dépouillée de la relation au Divin, en mettant en œuvre une prière permettant à la Cause active et intelligente de se manifester dans l’âme, prière participant d’une « théurgie selon l’interne » libérée et dépourvue de tout le pesant appareil cérémoniel tel qu’il était utilisé chez les Élus Coëns, considéré par Saint-Martin comme superflu, « inutile » et même « dangereux », constitué de techniques lourdement matérielles dépendantes de l’apparition de phénomènes extérieurs (glyphes, passes, etc.), un  appareil donc incapable par ses stériles industries de parvenir à l’essentiel transcendant.

Or c’est cette « voie selon l’interne », après des décennies de fonctionnement d’un « Martinisme » occultiste égaré dans de multiples dédales éloignés de la vie intérieure, qu’il était vital de retrouver, et que la Société des Indépendants parvint à de nouveau porter à la lumière, puisque la manière de mettre en œuvre la « prière vivante » et « opérante », qui conduit vers les rivages de l’immensité et les régions célestes de l’invisible, avait été tout simplement perdue au profit de sujets périphériques dénués d’intérêt, délivrant une fausse science totalement incapable de réaliser la « grande affaire » selon l’expression choisie de Saint-Martin, en quoi consiste l’unique nécessaire pour les « âmes de désir » séjournant en ce monde [8].

– L’exigence de « voie selon l’interne », et les étapes qui la constituent, ne répond-elle pas à une vocation plus « religieuse », qu’initiatique ? Quels sont les grands critères de validité qui fondent cet engagement et qui, le cas échéant, le différencie de ce que vous désignez comme étant « les autres sentiers beaucoup plus larges et singulièrement fréquentés ? » [p.141]

Il n’y a pas, fondamentalement, de distinction réelle entre vocation « religieuse » et vocation « initiatique », si l’on conserve en mémoire que la voie dont il est question lorsqu’on parle de celle proposée par Saint-Martin, est intimement reliée aux mystères du « christianisme transcendant », c’est-à-dire ce christianisme primitif qui, dans les premiers siècles de notre ère, était une « vraie initiation » ainsi que l’écrit fort justement Joseph de Maistre : « le christianisme, dans les premiers temps, était une vraie initiation où l’on dévoilait une véritable magie divine [9].»

Ceci explique pourquoi les critères propres à la voie religieuse, consciente de sa primitive vocation, sont rigoureusement les mêmes que ceux exigés pour la voie initiatique authentique – évidemment entendue comme se distinguant radicalement des caricatures inopérantes, faisant commerce officiel de « degrés », « titres », et autres colifichets divers et variés qui amusent les naïfs et flattent le narcissisme grégaire des aveugles égarés dans les sentiers larges et singulièrement fréquentés -, initiation seule capable de conduire ceux qui aspirent sincèrement à la « Vérité » jusqu’à la contemplation des mystères les plus cachés, évidemment inaccessibles sans un intense travail apte à faire advenir, invisiblement dans la haute chambre de l’âme, la naissance du « Nouvel Homme » :

« La véritable génération à laquelle l’âme humaine est appelée aujourd’hui, est tellement sublime qu’il ne serait peut-être pas à propos d’en parler encore. Néanmoins, disons en passant que l’âme humaine n’est appelée à rien moins qu’à engendrer en elle son Principe divin lui-même [10]

Or, si c’est bien de cela qu’il s’agit comme étant la « grande affaire » dans la voie initiatique proposée par Saint-Martin, soit l’engendrement dans l’âme du « Principe divin », alors les conditions et les critères pour participer à ce profond mystère, ne diffèrent en rien des conditions et des critères requis pour la vie religieuse contemplative qui n’est possible, comme on le sait, que dans la solitude, le silence et l’humilité. D’où la difficulté d’ailleurs, pour les esprits appelés vers ces régions sublimes où se déroule la « Naissance de Dieu dans l’âme », de se détacher, concrètement, des contingences matérielles et se libérer des chaînes de la détermination qui les retiennent prisonnières dans les fers de ce monde de ténèbres.

Mais, quoi qu’il en soit de la complexité pour chacun des événements jalonnant cet itinéraire divin, l’enjeu demeure absolument inchangé à travers les siècles, et c’est cet « enjeu », pour le moins extraordinaire, en quoi consiste l’essence unique de la « voie » préconisée par Saint-Martin, dont il nous délivre dans les lignes qui suivent la raison d’être secrète :

« La raison pour laquelle Dieu a produit des millions d’êtres-esprits, est pour qu’Il pût avoir, dans leur existence, une image de Sa propre génération ; car sans cela […] Il ne se connaîtrait pas Lui-même, parce qu’Il procède toujours devant Lui ; encore, malgré ces innombrables miroirs qui rassemblent de tous côtés, autour de Lui, Ses universels rayons, chacun selon leurs propriétés particulières, Il ne Se connaît que dans Son produit et Son résultat et Il tient Son propre centre éternellement enveloppé dans Son ineffable magisme [11]

En vérité, nous pouvons donc affirmer en conclusion, que le Philosophe Inconnu est venu nous révéler, ce en quoi il peut être qualifié de « maître vénéré » ainsi que le considère le saint-martinisme auquel se réfère, depuis toujours et pour toujours dans le « non-temps » éternel qui présida à sa fondation, la « Société des Indépendants » – et il importe de conserver fermement les paroles qu’il nous a confiées en les cultivant dans l’intérieur de notre âme jusqu’à ce que cette dernière en fasse son unique viatique pour traverser les méandres de la vallée de Josaphat -, que de notre « néant » ontologique peut naître l’Être Divin :

« Nous ne sommes rien, tant que Dieu ne s’écrit pas Lui-même dans notre corps, dans notre esprit, dans notre cœur, dans notre âme, dans notre pensée, c’est-à-dire, tant que nous ne nous sentons pas diviniser dans toutes les substances et dans toutes les facultés qui nous constituent [12]

Grenoble, le 7 septembre 2020

L’Esprit du Saint-Martinisme

Louis-Claude de Saint-Martin et la « Société des Indépendants »

Commande du livre :

La Pierre Philosophale, 2020, 582 pages.

Notes.

[1] Jean-Marc Vivenza, « Ésotérisme, initiation et secret », in Ultréia, n° 7, printemps 2016.

[2] Jean-Marc Vivenza, L’esprit du saint-martinisme. Louis Claude de Saint-Martin et la «Société des Indépendants », La Pierre Philosophale, 2020.

[3] Au passage, afin de redresser quelques propos inexacts – même si par la suite, et à sa demande, son correspondant de Berne lui fournira plusieurs ouvrages des Philadelphes dont en particulier ceux de Jane Lead -, si Saint-Martin écrit à Kirchberger avoir lu en 1792 les auteurs philadelphiens, cela signifie qu’il n’a pas attendu le dit Kirchberger pour « découvrir [grâce à lui] leur existence en 1793 » (sic !), mais a dû en prendre connaissance, soit par l’intermédiaire de Saltzmann directement, ou par un initié tiers rencontré lors de son séjour à Strasbourg entre 1788 et 1791 : « Le premier s’appelle Récit de la Direction spirituelle d’un grand témoin de la vérité qui vivait aux Pays-Bas, vers l’an 1550, et qui par ses écrits est connu sous le nom hébreu de Hiel. Tome II, d’Arnold, part. 3 ch. 3, §§ 10, 27, pag. 343. Le second s’appelle Discours de Jeanne Lead [Jane Lead] (Anglaise de nation) sur la Différence des révélations véritables et des révélations fausses, se trouvant dans la préface du soi-disant Puits du jardin, qui a paru à Amsterdam  l’an 1697. Tome II d’Arnold, part. 3, chap. 20, page 519. C’est  une connaissance fraternelle que  j’ai faite à Strasbourg qui m’a envoyé ces deux ouvrages traduits en français de sa propre main. Je ne suis point assez fort en allemand pour les lire dans l’original ; ils m’ont fait beaucoup de plaisir, surtout le dernier.» (Cf. Saint-Martin, lettre à Kirchberger, 12 juillet 1792, in Correspondance inédite de L.-C. de Saint-Martin, L. Schauer et A. Chuquet Paris, E. Dentu, 1862, pp. 16-17.).

[4] J. Matter, Saint-Martin le Philosophe Inconnu, sa vie ses écrits…, Paris, Librairie Académique Didier et Cie, 1862, pp. 131-132.

[5] Cf. R. Amadou, Opérons-donc, note confidentielle rédigée en 1998 à l’attention des cercles néo-coëns, in Renaissance Traditionnelle, n° 165-166, janvier-avril 2012.

[6] Cf. R. Amadou, Entretien privé, Paris, mars 2004.

[7] L.-C. de Saint-Martin, Lettre de Kirchberger, 19 juin 1797.

[8] On pourra se référer, concernant la manière de prier d’après la « voie selon l’interne » préconisée par Saint-Martin, à deux ouvrages essentiels :

Le culte en « esprit » de l’Église intérieure, La Pierre Philosophale, 2014.

Pratique de la prière intérieure, La Pierre Philosophale, 2015.

[9]  J. de Maistre, Principe Générateur, § 15.

[10] L.-C. de Saint-Martin, L’esprit des choses « De la génération des âmes » (1800).

[11] Ibid., « De l’esprit des miroirs divins, spirituels, naturels, etc. »

[12] Ibid., « De l’esprit des livres. »

Addendum à l’Entretien accordé par Jean-Marc Vivenza à l’occasion de la publication de « L’Esprit du Saint-Martinisme »

À son tour, lecrocodiledesaintmartin, découvrant les éléments additionnels insérés dans la note de lecture rédigée par Dominique Clairembault suite à la publication de « L’Esprit du Saint-Martinisme » : « Informée au sujet des derniers éléments donnés par Jean-Marc Vivenza dans son Entretien du 7 septembre 2020, Catherine Amadou tient à préciser que : « Robert n’a assisté à aucune réunion après St-Roch et qu’il n’a rien fondé. » (Échanges du 16/09/2020) », a de son côté contacté Jean-Marc Vivenza pour qu’il puisse nous donner quelques explications supplémentaires.

Précisions de Jean-Marc Vivenza

du 21 septembre 2020

J.-M. Vivenza : Catherine Amadou a parfaitement raison de signaler que Robert Amadou « n’a rien fondé », c’est tout à fait exact ; d’ailleurs, si on avait lu avec attention ce que j’écris, on pourrait constater, facilement – ce qui éviterait une perte de temps et d’énergie dans des « échanges » (sic) inutiles -, que je ne dis strictement rien d’autre, évoquant uniquement une simple « proposition dénominative » de la part de Robert Amadou, c’est-à-dire une « suggestion » formulée à celui qui est à l’origine de sa constitution, à savoir Laurent M., pour ce qui concerne l’adoption du nom « Société des Indépendants » en 2003, ainsi que sa forme organisationnelle, comme il est d’ailleurs déclaré explicitement dans « l’Ordonnance de constitution de la Société des Indépendants » datée du 8 décembre 2003 (image ci-dessous). Pas plus, pas moins.

« Comme suite à une suggestion

de notre bien aimé frère Robert Amadou…. »

(Laurent M., Grand Chapitre Martiniste, Ordonnance de constitution de la Société des Indépendants, MAR/SGM 02, le 8 décembre 2003, in L’Esprit du Saint-Martinisme, « Annexe I », La Pierre Philosophale, 2020, p. 517.)

Soulignons que cette « Société des Indépendants », par ailleurs, Robert Amadou n’ayant jamais rien transmis à personne et s’étant contenté de délivrer, aux uns et aux autres, de simples « encouragements » et des « bénédictions », détient ses transmissions de frères ayant un long passé, et pour certains ayant même exercé de hautes responsabilités, dans l’Ordre Martiniste fondé par Papus au XIXe siècle. Tout ceci est exposé dans « L’Esprit du Saint-Martinisme », le lecteur pourra s’y reporter pour de plus amples informations.

S’agissant du second point, à savoir la présence, ou non, de Robert Amadou, lors d’une réunion dans les locaux appartenant à l’époque au Grand Prieuré des Gaules (rue Keller, Paris XIe) – que cette assemblée se soit déroulée le 14 octobre 2003 exactement, ou bien à la proximité rapprochée de cette date, à l’occasion probable d’une liturgie -, de nombreux témoins peuvent en témoigner.

Ceci étant, je n’avais pas souhaité être présent personnellement lors de la messe en mémoire de Saint-Martin le 14 octobre 2003 à l’église Saint-Roch, car il m’est toujours apparu profondément aberrant, et signalant une incompréhension singulière de sa pensée, de faire célébrer post mortem, un office à la mémoire du Philosophe Inconnu qui, d’après Joseph de Maistre, refusa la présence d’un prêtre lors de sa naissance au ciel et, plus concrètement, fustigea de son vivant avec vigueur les formes institutionnelles du sacerdoce, comme il l’exprima positivement dans ses ouvrages et sans ménagements particuliers à différentes occasions : « Ce sont les prêtres qui ont retardé ou perdu le christianisme, la Providence qui veut faire avancer le christianisme a dû préalablement écarter les prêtres, et ainsi on pourrait en quelque façon assurer que l’ère du christianisme en esprit et en vérité ne commence que depuis l’abolition de l’empire sacerdotal…. » (Saint-Martin, Portrait, § 707). C’est pourquoi, imposer au Philosophe Inconnu après sa mort les formes ecclésiales qu’il rejeta de son vivant, est à mon sens une trahison objective à son égard (*).

Conséquemment, et en conclusion, il m’apparait dénué d’intérêt de s’attarder sur ce qui relève d’une question calendaire totalement inessentielle au regard des enjeux d’une « Société  spirituelle » dont la vie véritable est intemporelle et céleste ; d’où d’ailleurs, mais il me semblait qu’on aurait pu aisément le comprendre lorsqu’on est versé dans l’étude de l’œuvre saint-martinienne, la raison d’une absence de précision à l’intérieur de « L’Esprit du Saint-Martinisme », sur ces faits périphériques participant de la « réalité apparente ».

(*)

On se reportera à l’étude expliquant, et mettant en lumière de façon étendue et approfondie, le rapport de Saint-Martin avec le sacerdoce de L’Église visible et ses sacrements : « L’Église et le sacerdoce selon Louis-Claude de Saint-Martin, La Pierre Philosophale, 2013, 556 pages.»

Illuminisme chrétien, dualisme manichéen et mystique de « l’Unité »

Croix Cathare

« En ce qui concerne son interprétation du nihil,

le Catharisme apparaît comme  issu de l’Augustinisme.»

Une idée revient souvent lorsqu’on évoque les positions de la théosophie chrétienne, celle visant à considérer que ses thèses relèvent du dualisme manichéen.

C’est un discours entendu en de nombreuses occasions, qui semble encore trouver un certain écho et participer des évidences, tant depuis le XVIIIe siècle, cette accusation  est portée contre le courant illuministe. [1]

Le sujet pourtant avait fort peu été abordé, et on chercherait en vain des auteurs ayant traité de la question, nous permettant d’y voir plus clair concernant ce point théorique.

Or, dans l’ouvrage qu’il vient de récemment publier, « Le Mystère de l’Église intérieure, ou la naissance de Dieu dans l’âme », Jean-Marc Vivenza nous apporte une lumière tout à fait essentielle concernant cette difficulté, nous permettant, en un long appendice présentant, comme à son habitude, des développements étendus : « Dualisme médiéval, augustinisme, et « non-dualisme » métaphysique », de comprendre enfin parfaitement ce qui distingue manichéisme dualiste et illuminisme chrétien.

a) Influence de l’augustinisme sur le dualisme médiéval

On apprend tout d’abord, ce qui est fort instructif, que le dualisme médiéval connu sous le nom de Catharisme, provient de l’Augustinisme :

« Comme l’a très bien perçu René Nelli (1906-1982) : « En ce qui concerne son interprétation du nihil, le Catharisme apparaît comme une hérésie issue indirectement de l’Augustinisme.» (R. Nelli, La Philosophie du Catharisme, Payot, 1978, p. 66). « Il semble, remarque René Nelli, que ce soit entre 1220 et 1230 – et peut-être seulement en Occitanie (Languedoc et Comté de Foix) – qu’on ait interprété la nature du mauvais principe à la lumière de la nihilisation que saint Augustin avait fait subir à la substance de l’archange rebelle. Le Traité cathare de Bartholomé doit dater de 1218-1220 (c’est à cette date – approximativement – que se répandent en Occident les Soliloques apocryphes de saint Augustin). » (Op.cit., p. 64). On est donc, comme on le constate, dans la conception du dualisme médiéval inspiré de l’augustinisme, lui-même influencé par Origène, dans une approche qui, à aucun moment, ne postule une parfaite « égalité » entre les deux principes (…) Le dualisme consiste donc, dans sa démarche spirituelle, à accéder à une « connaissance » de la coexistence des deux principes opposés, afin de s’engager dans la voie de la « lumière » et du vrai Dieu, instruit de la lutte permanente que se livrent l’Être et le Mal ; d’où le caractère de « dualité absolue » de chaque aspect de la réalité, traversée par le bien, comme par le négatif. » [2]

saint-augustin

« La conception du dualisme médiéval est inspirée de l’augustinisme,

lui-même influencé par Origène… »

b) La théosophie de Jacob Boehme

Dans le dualisme cathare, deux Principes antagonistes, sont en lutte et se combattent éternellement, notre monde étant placé au centre de cette opposition.

Cependant, dans la vision théosophique, il en va tout autrement.

C’est ce que nous dit Jean-Marc Vivenza : « Toute différente du dualisme médiéval, la thèse soutenant que  le « Principe » est constitué de « l’Être » et du « Non-Être », ou encore du Bien et du Mal, travaillé par une dialectique interne représentant un fond obscur en Dieu, ce que rejettent les théologiens de l’Église, qui critiquèrent d’ailleurs vigoureusement cette proposition lorsque René Guénon (1886-1951), faisant siennes les thèses de Jacob Boehme (1575-1624), et de bien d’autres théosophes, en exposa les termes (…) C’est pourquoi, on sera attentif au fait qu’en plaçant la « Possibilité » au-dessus de l’Être, Guénon (…) métaphysicien -, fonde ainsi une théorie non-dualiste de l’au-delà de l’Être, en accordant « l’infinité » à la seule « Possibilité » : « la Possibilité est en réalité identique à l’Infini.» (R. Guénon, Les états multiples de l’être, Véga, 1980, p. 31). » [3]

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Pour Jacob Boehme et la théosophie chrétienne,

le « Principe » est constitué de « l’Être » et du « Non-Être »…

Il y a là, une entière différence d’avec le dualisme manichéen, et loin de relever du « dualisme », cette position participe bien plutôt de ce qu’il convient de désigner sous le nom de « non-dualisme », pour ne pas dire un « non-dualisme absolu».

La difficulté théologique n’est pas niée : « Si donc la « Possibilité » est constituée de l’Être et du Non-Être, ou encore du Bien et du Mal, ce qui est assurément inacceptable pour les docteurs et théologiens, nous sommes alors en présence, du point de vue métaphysique, non d’un apparent dualisme, mais d’un « non-dualisme » doctrinal, affirmant que le « Non-Être » est un élément, une partie du Principe, lui conférant, de façon indubitable, une quasi substance malgré sa dimension de non-manifestation, établissant, au cœur même de l’Absolu une part d’ombre et de négatif. » [4]

c) « Unité » de la dialectique au sein du Principe

Nous sommes incontestablement, avec la thèse théosophique issue de la pensée de Jacob Boehme (1575-1624), en présence d’un apparent dualisme radical, mais c’est précisément une « apparence », car il s’agit de tout autre chose : « Il semble qu’il y a un apparent dualisme radical à faire du Mal, ou du « Non-Être », un élément, une partie du Principe, lui conférant une substance positive, malgré sa détermination à la non-manifestation, établissant, au cœur même de l’Absolu, une part d’ombre et de négatif, ce qui pourrait rattacher [cette] théorie (…) à l’antique manichéisme, et montrer son caractère d’identité avec le dualisme, ce qui est pourtant une erreur et une inexactitude. Car cet apparent dualisme ontologique – qui n’est, en somme, qu’une reformulation en mode métaphysique de ce que les théosophes ont perçu du mouvement dialectique interne en action au sein du Principe entre les deux forces contraires de « manifestation » et de « non-manifestation » -, n’est pas la position du manichéisme et du dualisme médiéval, qui eux rendaient incompatible la coexistence entre les deux principes, certes « coéternels » mais antinomiques,  puisque c’est, en quelque sorte, réunissant les opposés que sont « l’Être » et le « Non-Être », en leur conférant un statut principiel et substantiel, qu’on aboutit (…) au « non-dualisme » de la tradition plotinienne ou shankarienne, considérant que l’indépassable « Silence du Non-Être , est inclus au sein de « l’Union » formée de « l’Être » et du « Non-Être ». [5]

d) Illuminisme chrétien et « Mystère de l’Église intérieure »

Cette théorie propre à l’illuminisme chrétien, qui participe du « Mystère de l’Église intérieure », du mystère le plus sublime puisque portant sur la nature de Dieu, porte le lecteur vers des sommets métaphysiques extraordinaires, dont la sublimité est concrètement saisissante à la lecture des passages évoqués.

L’invitation à entrevoir ces domaines généralement secrets, réserve, pour celui qui accepte de s’engager dans cette vue nocturne, cette vision sans regard, de profonds étonnements mystiques qui nous donnent d’accéder, en mode de connaissance (gnosis), sans doute aux plus hautes vérités qu’une âme puisse bénéficier sur la réalité de l’Invisible en ce monde.

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« Le Néant a faim du Quelque Chose,

et la faim est le désir, sous la forme du premier Verbum Fiat (…) 

c’est l’éternelle origine des ténèbres… »

Il s’agit bien du trésor doctrinal, du mystère par excellence puisque ce mystère est celui qui entoure ce qu’est en sa vérité la Divinité, ainsi que nous le dit Jacob Boehme : « Le Néant a faim du Quelque Chose, et la faim est le désir, sous la forme du premier Verbum Fiat, ou du premier faire, car le désir n’a rien qu’il puisse faire ou saisir. Il ne fait que se saisir lui-même et se donner à lui-même son empreinte, je veux dire qu’il se coagule, s’éduque en lui-même, et se saisit, et passe de l’Indéterminé au Déterminé et projette sur lui-même l’attraction magnétique afin que le Néant se remplisse et pourtant il ne fait que rester le Néant et en fait de propriété n’a que les ténèbres ; c’est l’éternelle origine des ténèbres… » (J. Boehme, Mysterium Magnum, III, 5.)

La vérité sur cette révélation illuministe et mystique, dont le livre, si l’on est attentif à son discours, « opère » la réalisation dans l’âme de désir, nous est délivrée par ces lignes :  « [Le] drame métaphysique intérieur que vit « l’Abîme obscur », le « Sans-fond » de Boehme, [c’est qu’il] cherche à atteindre la « présence », parce que travaillé par un désir intérieur qui le crucifie, en attente de son « Verbe », contraint de devoir passer par une négation, afin de « néantiser » sa propre tendance au « Rien », faisant de cette situation le cadre de l’universelle révélation de la Divinité. »  [6]

Conclusion

Ainsi, la doctrine de l’illuminisme chrétien nous apparaît sous un jour nouveau, en tant que voie nous portant à la contemplation de l’union, et même réunion essentielle des antagonistes, en quoi consistera d’ailleurs l’ultime secret de la Déité, c’est-à-dire « l’Identité Suprême » en mode gnostique, qui est le couronnement du dépassement de toutes les formes, située dans un ultime « inaccessible » et « ineffable ».

Il en résulte une conséquence que résume ainsi Jean-Marc Vivenza, dont l’analyse reprend en l’éclairant l’ensemble des positions du courant de la gnose chrétienne, de Clément d’Alexandrie en passant par Origène jusqu’à Jacob Boehme et Louis-Claude de Saint-Martin :  « À ce titre, la quête ésotérique en mode théosophique, en aucun cas, ne peut être assimilée à un processus de « déification », de théosis ou « d’accomplissement de l’être », tel qu’il se dessine en climat théologique par exemple chez les Pères grecs de l’Église, pour la simple raison que l’objectif visé n’est pas un retour dans le « sein de Dieu », mais une réunion au « Principe », ce qui est très différent, Dieu n’étant, sauf dans son aspect non-qualifié où, là, il cesse « essentiellement » de se situer dans l’être ou le non-être et finalement n’est strictement plus « rien » du point de vue humain, qu’une détermination relative propre à la Manifestation qui caractérise le « Principe » sous une forme particulière, c’est-à-dire parfaitement limitée.» [7]

Comment ne pas retrouver un écho direct de ce que certains rituels nous invitent à effectuer dans notre quête vers « l’Unité », par cette sentence bien connue de Jean-Baptiste Willermoz (1730-1824) :

« Deponens Aliena – Ascendit Unus »

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Jean-Marc Vivenza, Le Mystère de l’Église intérieure,  

La Pierre Philosophale, 2016, 355 pages.

Notes.

1. Le premier qui s’éleva contre ces propos accusateurs, fut Joseph de Maistre (1753-1821) qui critiqua le jésuite Augustin Barruel (1741-1820), en raison de cette confusion commise entre illuminisme et manichéisme, lui reprochant vivement : « Tout ce que l’auteur dit au sujet de M. de Saint-Martin, est si faux, si calomnieux qu’on a le droit d’en être étonné ! Quant à l’accusation de manichéisme faite à cet écrivain, elle cesse d’être calomnieuse à force d’être ridicule ». Et à propos de cette allégation que le Martinisme « n’a fait que copier Manès et les Albigeois », Joseph de Maistre ne se retient pas d’écrire : « jamais homme d’esprit n’a écrit rien de plus sot ». (Michel Riquet s.j.,  Joseph de Maistre et le Père Barruel, Revue des études maistriennes, n° 5-6, Les Belles Lettres, 1980, p. 288).

2. J.-M. Vivenza, Le Mystère de l’Église intérieure, La Pierre Philosophale, 2016, pp. 272-280.

3. Ibid., p. 284.

4. Ibid., p. 291.

5. Ibid., pp. 285-286.

6. Ibid., p. 304.

7. Ibid., pp. 296-297.

 

L’Église intérieure et la tradition secrète des mystiques

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On découvre dans « Le culte ‘‘en esprit’ de L’Église intérieure », le lien étroit unissant Louis-Claude de Saint-Martin à la tradition mystique

Le dernier livre de Jean-Marc Vivenza, « Le culte ‘‘en esprit’ de L’Église intérieure »  qui complète son précédent «L’Église et le sacerdoce selon Louis-Claude de Saint-Martin », en lui apportant un élément directement liturgique opératif, possède de nombreuses qualités dont la première est d’en faire un outil d’une extraordinaire utilité pratique pour ceux qui souhaitent s’engager, concrètement, dans la voie initiatique saint-martiniste proposant un chemin vers le christianisme vécu « en esprit et en vérité » .

Mais un aspect de cet ouvrage nous est apparu comme particulièrement important : soit celui établissant le lien entre les auteurs spirituels de la tradition mystique chrétienne, et les thèses de Louis-Claude de Saint-Martin portant sur l’Église intérieure.

***

Et ce que l’on découvre dans « Le culte ‘‘en esprit’ de L’Église intérieure », pour notre plus grande surprise, c’est que des thèses très voisines de celles du Philosophe Inconnu, furent soutenues par des religieux rattachés à des congrégations comme l’Ordre des Carmes ou les capucins Récollets.

Pierre Poiret

Pierre Poiret (1646-1719)

Cette tradition mystique qui fut marginalisée, pour ne pas dire parfois combattue au sein de l’Église visible, très vite trouva des défenseurs auprès des figures de la résistance spirituelle, comme Pierre Poiret (1646-1719), calviniste messin marqué par les écrits du Ménnonite Hendrik van Barneveld Jansz (1665-1734), ardent défenseur de la cause de l’oraison mystique.

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La voie de « l’expérience de la présence de Dieu » dans l’âme, est un préalable à la célébration du culte « en esprit ».

Dans « Le culte ‘‘en esprit’ de L’Église intérieure » Jean-Marc Vivenza aborde longuement le cas de l’humble carme parisien, Frère Laurent de la Résurrection (1614-1691), qui au XVIIe siècle fit de l’adoration de Dieu « en esprit et en vérité », le centre de sa vie spirituelle, parvenant à atteindre un état de perpétuelle union avec le divin.

 « Son expérience, écrit Jean-Marc Vivenza, fut résumée dans ses « Maximes spirituelles » en 1692, suivie des « Mœurs et entretiens du frère Laurent de la Résurrection » en 1694, textes qui lui valurent une large audience de par le caractère extrêmement élevé, quoique participant d’une remarquable simplicité, de la méthode d’oraison préconisée par le carme qui vivait, en son quotidien et dans ses humbles tâches conventuelles, empli de lumières surnaturelles. (…) cette voie est un préalable à la célébration du culte « en esprit », de « l’expérience de la présence de Dieu »

Dans cette idée que l’expérience de la « Présence de Dieu » soit un « préalable à la célébration du culte « en esprit » à laquelle nous invite Saint-Martin, le livre de Jean-Marc Vivenza nous en expose la réalité en se penchant sur un courant assez méconnu, l’Ordre des frères mineurs recueillis, membres de la tendance dite « observante » des franciscains.

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 L’Ordo fratrum minorum recollectorum, (l’Ordre des frères mineurs recueillis), membres de la tendance « observante » des franciscains, invitait à une pratique visant à s’établir, en ouvrant son cœur, dans l’intimité de Dieu.

C’est ainsi que l’on découvre, grâce au  « Culte ‘‘en esprit’ de L’Église intérieure », ce lien étroit, montrant que Saint-Martin s’inscrit incontestablement dans le sillage de la tradition secrète des mystiques : « un religieux Récollet de la dernière moitié du XVIIe, Maximien de Bernezay, dont on ne sait à peu près rien de la vie étant demeuré dans un parfait anonymat, écrivit un « Traité de la vie intérieure » (1685) qui bénéficia d’une large audience auprès des âmes dévotes, diffusant auprès des fidèles une pratique qui invitait à s’établir, en ouvrant son cœur, dans l’intimité de Dieu. Les Frères mineurs récollets (ou simplement: les Récollets), ceci afin de mieux situer Bernezay, étaient rattachés à l’Ordo fratrum minorum recollectorum, c’est-à-dire l’Ordre des frères mineurs recueillis, membres de la tendance dite « observante » des franciscains. Adeptes de la pratique du « Chemin de Croix », les Récollets érigèrent de nombreux lieux de prière, dont le calvaire des Récollets de Romans-sur-Isère dans la Drôme, qui offre à contempler une réplique exacte des quarante stations du chemin de Croix suivi par le Christ à Jérusalem, permettant au pèlerin d’aboutir, à la fin des stations, au calvaire et à une reconstitution du Saint-Sépulcre. » [1]

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Le Philosophe Inconnu a su conjuguer avec un art extraordinaire, « doctrine initiatique de la réintégration » et voie de la « contemplation intérieure ».

[youtube:https://www.youtube.com/watch?v=VHZXsjgPj0c%5D

L’Église invisible pour Louis-Claude de Saint-Martin

Extrait tiré du site http://www.baglis.tv/ d’un interview intitulé : « L’Église et le sacerdoce selon Louis-Claude de Saint Martin » avec Jean-Marc Vivenza, une interview de Jean Solis.

***

Une intuition magnifique dans « Le culte ‘‘en esprit’ de L’Église intérieure »montre ce lien de la tradition mystique avec Louis-Claude de Saint-Martin, nous faisant comprendre que le Philosophe Inconnu a su conjuguer avec un extraordinaire sens de la vie spirituelle, doctrine initiatique de la réintégration et voie de la contemplation intérieure  : « « Les Récollets, qui sont nés des communautés où les « récollections au désert  – ce dernier pouvant d’ailleurs être établi au cœur même des villes -, devinrent le centre d’une intense activité religieuse, participent d’un courant mystique dont le capucin Benoît de Canfield (1562-1611), auteur d’une Règle de perfection (1608) et adepte de la spiritualité abstraite de l’anéantissement, est l’un des représentants majeurs, courant dans lequel s’inscrivent des noms comme Jean de Bernières (1602-1659), ou le tertiaire Jean Aumont (1608-1689), auteur de « L’Ouverture intérieure du royaume de l’Agneau occis dans nos cœurs » (1660), ainsi que Victorin Aubertin (1604-1669), qui publia « Le Chrétien uni à Jésus-Christ au fond du cœur » (1667), ouvrage dans lequel est décrite, avec une extraordinaire précision, la vie de l’oraison ; citons encore Éloy Hardouin de Saint-Jacques (+1661), rédacteur d’une « Conduite d’une âme dans l’oraison depuis les premiers jusques aux plus sublimes degrés » (1662), sans oublier le « Jour mystique » de Pierre de Poitiers (+ 1683), texte publié en 1671, exposant l’ensemble des nuances de la « lumière intérieure » auquel se référa dans ses « Justifications » Madame Guyon (1648-1717), ainsi que, bien évidemment, Constantin de Barbanson (1582-1631) et ses « Secrets sentiers de l’esprit divin » (1623) aux accents métaphysiques remarquables, à quoi il faut ajouter « Le Royaume de Dieu dans l’âme » de Jean-Evangéliste de Bois-le-Duc (1588-1635), publié en flamand en 1637, livre qui lui mérita le surnom, largement mérité, de « Jean de la Croix flamand », de même qu’Alexandrin de La Ciotat (+1706), capucin, auteur du « Parfait dénuement » (1680). » [2]

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Un point est mis en lumière : « Archange de Pembroke (1567-1632) devint le directeur, de 1609 à 1620, de la Mère Angélique Arnauld (1591-1661), abbesse et réformatrice de Port-Royal qui fut « convertie » par le sermon que le capucin vint prêcher au monastère en 1608, la décidant à appliquer la Règle de son Ordre dans toute sa rigueur. » [3]

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Ce à quoi, il faut rajouter l’influence du Père Joseph du Tremblay (1577-1738) « en tant que diplomate au service de Richelieu, prédicateur itinérant conseiller d’Antoinette d’Orléans (1572-1618), religieuse de Fontevraud, qui décida de la création en 1617 de l’Ordre des Filles du Calvaire dont il rédigea le livre des méditations pieuses à leur intention. »

***

Ainsi, sur cet aspect des choses Jean-Marc Vivenza souligne : «On mesure l’influence de la mystique intérieure liée aux différentes branches, issues ou rattachées, à l’Ordre de saint François au XVIIe siècle, et qui contribuèrent au développement de cette spiritualité de la « vie secrète d’oraison », précisant : « L’idée de « vie intérieure », et même « d’Église du cœur », n’est évidemment pas propre au courant illuministe puisqu’elle traverse l’histoire de la spiritualité chrétienne. Cette sensibilité a cependant trouvé au XVIIe siècle, un étonnement rayonnement, en particulier à la proximité de certaines tendances religieuses plus connues sous les désignations de « quiétisme » ou « jansénisme » qui, en pieux « amis de la vérité », conservèrent l’esprit et la doctrine originelle du christianisme primitif. Mais, le fait est à noter, y compris au sein de l’Église institutionnelle, on relève des expressions fortement influencées par les thématiques que l’on retrouvera ensuite au sein des milieux quiétistes, jansénistes ou initiatiques, sans doute en ayant trouvé en leurs cénacles des abris protecteurs pour des conceptions combattues par les autorités politiques et religieuses de cette époque. » [4]

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 « C’est au sein des cercles protégés par une règle de discrétion et de secret, que se préserva et se transmis, la « pratique de la vie intérieure » et la  « vie cachée en Dieu dans l’oraison », au sein de petites églises éloignées du monde ou dans le cadre des milieux illuministes dont Saint-Martin fut, en France, le représentant par excellence. »

La conclusion de Jean-Marc Vivenza, à propos de cette mise en parallèle du courant mystique et de la voie de l’illuminisme à l’intérieur de son ouvrage « Le culte ‘‘en esprit’ de L’Église intérieure », est remarquable, et nous permet de mieux comprendre ce qui unit secrètement, voie mystique et illuminisme initiatique : « Malheureusement, de par une campagne anti-mystique assez virulente contre les « quiétistes », qui n’eut d’égale que celle menée contre les thèses sur la gratuité de la grâce défendues par le courant augustinien et le milieu de Port-Royal, qui ira jusqu’à la dispersion des Solitaires en 1679, il advint bientôt une sorte de retour à l’invisibilité du courant de la mystique abstraite, période qui fut désignée comme représentant un véritable « crépuscule ». Il n’est donc pas interdit de penser, qu’à partir du XVIIIe siècle, c’est au sein des cercles protégés par une sorte de règle de discrétion et de secret, que se préserva et se transmis, la « pratique de la vie intérieure » et la  « vie cachée en Dieu dans l’oraison », ceci au sein de petites églises éloignées du monde ou dans le cadre des milieux illuministes nourris des écrits de Fénelon (1651-1715) et de Madame Guyon, dont Saint-Martin fut, en France, le représentant par excellence, ce qui aura permis, et il faut leur en être infiniment reconnaissant, que puisse perdurer une voie spirituelle qui, sans cela, aurait très certainement entièrement disparu. » [5]

On mesure donc à la lecture de ces lignes, dont il faut vivement remercier Jean-Marc Vivenza en raison de leur richesse analytique, documentaire et historique, ce que représenta véritablement au XVIIIe siècle la voie de « L’Église intérieure » proposée par Louis-Claude de Saint-Martin, apparaissant d’ailleurs comme la continuité encore vivante de nos jours, de la tradition illuministe et mystique de la  « vie cachée en Dieu».

 Notes.

1 J.-M. Vivenza, Le culte ‘‘en esprit’ de L’Église intérieure, La Pierre Philosophale, 2014, pp. 157-158.

2. Ibid.

3. Ibid.

4. Ibid., p. 157.

5. Ibid., pp. 158-159.

Le culte en esprit de l'Eglise intérieure

J.-M. Vivenza, Le culte ‘‘en esprit’ de L’Église intérieure,

La Pierre Philosophale, octobre 2014, 262 pages. 

L’erreur de Robert Amadou : Saint-Martin n’a pas manqué de « l’Orient chrétien » !

SM et l'Eglise XXV

La sortie du livre : « L’Eglise et le sacerdoce selon Louis-Claude de Saint-Martin », représente un événement. Cet ouvrage, par sa dimension certes et elle est imposante, mais surtout par son contenu, peut difficilement faire l’objet d’une simple recension.

Ce n’est pas un livre habituel, le genre de volume qu’on lit rapidement et puis qu’on range, en l’oubliant, sur les rayons de sa bibliothèque. C’est un authentique bréviaire de l’Eglise intérieure. Il comporte même une « Règle » pour savoir comment vivre selon la loi de l’interne. C’est tout dire.

Nous avons donc décidé, non pas d’évoquer ce livre en un article, mais de nous pencher au cours de différents éclairages, sur certaines questions soulevées dans les 554 pages de « L’Eglise et le sacerdoce selon Louis-Claude de Saint-Martin », en les abordant les unes après les autres.

I. « La science de l’Orient chrétien » n’a pas manqué à Saint-Martin. »

Robert Amadou II

« Saint-Martin est tombé dans l’erreur des pseudo-gnostiques….

il a spiritualisé de manière illusoire les sacrements…

l’initiation par l’interne risque de devenir mythique

faute de s’ancrer dans l’externe…. »

(Robert Amadou, La Révolution du Philosophe Inconnu, 1989).

 

Aujourd’hui nous débuterons cet examen, en nous arrêtant à une affirmation constituant un chapitre intitulé : « La science de l’Orient chrétien » n’a pas manqué à Saint-Martin. » (pp. 73-86). 

Pourquoi Jean-Marc Vivenza affirme-t-il ceci ?

Tout simplement parce que depuis un bon nombre d’années, on s’était résolu, pour expliquer la distance de Saint-Martin d’avec l’Eglise visible et ses sacrements, de considérer que si le Philosophe Inconnu avait pu connaître à son époque les formes religieuses de l’orthodoxie, il aurait peut-être changé d’avis…On s’était habitué à cette assertion, on n’y prenait même plus garde, on la considérait recevable.

Pourtant, par ce qui se trouve dans les pages de L’Eglise et le sacerdoce selon Louis-Claude de Saint-Martin,  un coup d’arrêt brutal vient de mettre fin à cette idée ! En effet, avec ce qui est révélé par Jean-Marc Vivenza, c’est le genre d’affirmation que l’on ne pourra plus soutenir.

On va comprendre pourquoi et ça risque de surprendre.

II. Le stupéfiant discours dogmatique et ecclésial de Robert Amadou

Dans un article, exhumé par Jean-Marc Vivenza : « La Révolution du Philosophe Inconnu », publié par Robert Amadou (1924-2006), ce dernier soutenait : « Saint-Martin méconnaît la pleine essence de la communauté chrétienne et du sacerdoce. L’Eglise n’est pas un complément, encore moins un complément facultatif ; elle expose, elle exprime le Christ dans sa plénitude et l’univers lui est donc associé, auquel elle deviendra co-extensive. Mais l’Eglise n’est pas non plus une réalité purement spirituelle ; il y a du matériel dans les sacrements et des hommes sont chargés par l’Eglise, d’ordre divin, de les administrer : ‘‘Le Père, le Fils et le Saint Esprit agissent tandis que le prêtre prête sa langue et étend ses mains.’’ (Saint Jean Chrysostome). Saint-Martin là-dessus fait schisme. » [1] 

Le constat était juste.

La suite de l’article d’Amadou est plus problématique : « A la fois la matière est mauvaise et tout l’univers promit à la transfiguration ; à la fois, dirait-on, il est optimiste et pessimiste. Mais, tout ce qui relève de l’externe, et donc de la matière, il le juge facultatif, et donc dangereux, superflu : Quand Martines de Pasqually lui dit : ‘‘il faut bien se contenter de ce qu’on a’’, il ne convainc point le jeune élu coën de la nécessité des opérations de théurgie cérémonielle. Et le pur désir de Saint-Martin, dont je ne séparerai pas des mobiles personnels, le porte à proscrire dans la foulée les sacrements de l’Eglise, ou du moins leur ôter leur caractère divin et obligatoire, et à les priver, par conséquent, de leur vertu – toute puissante. Un même désir en partie dévoyé, oserai-je dire vers l’angélisme, en l’espèce, ou vers un gnosticisme hétérodoxe ? – le conduit à ne pouvoir imaginer les prêtres que comme des hommes-esprit, tous, capables d’opérer des miracles, et ce serait là le signe de leur élection, ainsi qu’il en irait avec les poètes. Point d’ordination, en somme, sans élection prophétique. Le spectacle de prêtres indignes confirma cette exigence abusive, qu’elle avait peut être contribué à susciter par réaction. (…) » [2] 

Anges célestes

« Un même désir en partie dévoyé,

oserai-je dire vers l’angélisme…. »

(Robert Amadou, 1989).

III. Pour Robert Amadou Saint-Martin est « tombé » dans « l’erreur des pseudo-gnostiques » (sic !) 

Vivenza s’étonne : « L’analyse, qui ne manque déjà pas en ces première lignes de dénoncer sous forme interrogative, au rang des causes aggravantes qui firent adopter à Saint-Martin ses positions,  tour à tour  un « désir dévoyé », « l’angélisme » et même la tendance au « gnosticisme hétérodoxe », se poursuit ainsi, mais cette fois-ci sur un mode affirmatif :  « Il parait bien que Saint-Martin est tombé dans l’erreur des pseudo-gnostiques, en spiritualisant de manière illusoire les sacrements : le baptême et l’eucharistie, dans l’Homme de désir, et surtout dans le Nouvel homme, sont privés de matière et de forme au sens scolastique ; ils perdent leur forme, au sens de Saint-Martin, à qui nul n’apprit que celle-ci était inhérente aux mystères, puisque ceux-ci sont mystériques, c’est-à-dire rituels, autant que mystérieux, c’est-à-dire porteurs d’énergie divine. Sans dénier (pas davantage d’ailleurs que les gnostiques combattus par les Pères de l’Eglise) son rôle capital à l’Incarnation, aussi réparatrice qu’instructive, Saint-Martin cantonne, pour ainsi dire, son historicisme, et l’initiation par l’interne risque de devenir mythique faute de s’ancrer dans l’externe (et sauf la toute puissance gracieuse de Dieu). Avec l’Eglise visible et historique, Saint-Martin écarte les sacrements, et les prêtres ; n’essayons pas de supputer si ce triple rejet se distribue logiquement et, en ce cas, comment. Il est vrai que l’attrait de Saint-Martin pour l’interne, follement divin, n’en souffrait pas moins de quelque aberration humaine, et, d’autre part, qu’il détestait la plupart des prêtres de son temps.» [3]

Nous avons bien lu ?!

Pour Robert Amadou : « Saint-Martin est tombé dans l’erreur des pseudo-gnostiques », il a, toujours selon Amadou : « spiritualisé de manière illusoire les sacrements », sans compter que pour faire bonne mesure le même Amadou rajoute : : « nul ne lui a apprit que [la forme] était inhérente aux mystères », insistant plus encore pour affirmer que :  « l’initiation par l’interne risque de devenir mythique faute de s’ancrer dans l’externe », enfin, comble de tout, son «attrait pour l’interne…n’en souffrait pas moins de quelque aberration humaine ».

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«L’attrait de Saint-Martin pour l’interne…

n’en souffrait pas moins de quelque aberration humaine  ».

(Robert Amadou, La Révolution du Philosophe Inconnu, 1989).

Incroyable, ce discours est absolument stupéfiant !

Voici donc comment furent jugées les positions de Saint-Martin à l’égard de l’Eglise et de ses sacrements, par Robert Amadou, et comme le dit avec un étonnement Vivenza, faisant évidemment allusion au Portrait historique et philosophique écrit par Saint-Martin : « Tout ceci constitue donc, on l’avouera, un curieux ‘‘Portait ‘’. »[4]

IV. Une totale incompréhension de la part de Robert Amadou, des positions extra-ecclésiales de Louis-Claude de Saint-Martin

Eh bien oui, curieux Portrait, mais surtout si distant de ce que Saint-Martin soutenait, si manifeste de l’incompréhension de ce qu’était la pensée du Philosophe Inconnu ; Vivenza écrit, rappelant les bases de cette pensée : «  Difficile d’être plus en contradiction avec les convictions de Saint-Martin, qui part du principe, en accord avec les auteurs réformés, piétistes et illuministes, que depuis le Christ, il n’y a plus de sacerdoce réservé à une classe de croyants, mais que ce sacerdoce, non transmissible par un biais humain et institutionnel, a aboli complètement le sacerdoce tel qu’il était compris selon les conceptions de l’Ancien Testament. ; le voile du temple s’est déchiré depuis le haut jusqu’en bas (Matthieu XXVII, 51), voile devant lequel se tenait le clergé hébreu, et derrière lequel Dieu demeurait caché et inaccessible, faisant que désormais, chaque âme peut entrer là où nul sacrificateur ne pouvait entrer sous l’ancienne loi, sauf le grand sacrificateur une fois l’an, et elle a, et toutes ont avec elle : « une pleine liberté pour entrer dans les lieux saints par le sang de Jésus, par le chemin nouveau et vivant qu’il nous a consacré à travers le voile, c’est-à-dire sa chair» (Hébreux X, 19-20). » [5]

Et ce qui devait advenir advint dans le raisonnement d’Amadou. Rejetant, ou ignorant volontairement, les positions extra-ecclésiales de illuminisme chrétien, il affirmait : « Tout en déplorant que la providentielle intuition du Philosophe Inconnu, qui lui avait permis de retrouver la doctrine paulinienne, patristique, orientale, du nouvel homme, ne lui ait pas restitué l’exacte doctrine, qui complète, de l’Eglise, des sacrements et du sacerdoce, comprenons sa protestation contre une certaine conception occidentale du sacerdoce, des sacrements, de l’Eglise. (…) Un fois de plus, la science de l’Orient chrétien a manqué à Saint-Martin.  Quant à Saint-Martin lui-même, au Louis-Claude enfant de Dieu, quoiqu’il lui manquât pour être chrétien régulier – d’appartenir à l’Eglise dont l’aspect visible est inaliénable, il fut homme de désir. Le reste est le secret de Dieu et du Philosophe Inconnu[6]

Oui, nous nous ne rêvons pas….non seulement Robert Amadou considérait que l’intuition de Saint-Martin était dépourvue de « l’exacte doctrine sacramentelle et sacerdotale », mais plus grave, et sans doute extraordinairement injuste, pour Amadou,  « il manquât [à Saint-Martin] pour être chrétien régulier – d’appartenir à l’Eglise dont l’aspect visible est inaliénable. »

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« Il manquât [à Saint-Martin] pour être chrétien régulier –

d’appartenir à l’Eglise dont l’aspect visible est inaliénable. »

(Robert Amadou, La Révolution du Philosophe Inconnu, 1989).

Comment ? Saint-Martin n’aurait pas été un « chrétien régulier », il n’aurait pas appartenu à l’Eglise éternelle, lui le témoin de la Lumière et du Verbe !

Et il ne l’aurait pas été, car ayant soutenu, à la suite des piétistes et des disciples de Jacob Boehme, des positions qui heurtent de plein fouet les vues étroites de ceux qui considèrent qu’il n’y a « point de salut » hors des formes et structures de l’Eglise institutionnelle !

C’est invraisemblable, proprement ahurissant, d’un sectarisme total !

V. L’origine de la thèse erronée de Robert Amadou et de ses disciples … sur le prétendu « manque » de la « science de l’Orient chrétien » dont aurait soi-disant souffert Saint-Martin

Jean-Marc Vivenza nous dit donc en conséquence : « La conclusion de cette étude de Robert Amadou (…) est stupéfiante, puisqu’elle va jusqu’à lui refuser, de par sa distance d’avec l’Église visible, d’être un « chrétien régulier », comme si la « règle », pour être considéré comme « chrétien », était, non pas d’avoir, et avant tout, rencontré le Christ et d’avoir foi en Lui et en sa Parole, mais d’être membre d’une confession religieuse établie (…). On l’admettra, ces lignes sont troublantes, et on pourrait expliquer bien des aspects « surprenants » de la vie initiatique contemporaine découlant directement de ces analyses. » [7]

Ainsi, étant vu comme « un chrétien irrégulier », et même  considéré comme se trouvant « hors de l’Eglise », la conclusion s’imposait pour une sensibilité ecclésiale, qu’incarnait Amadou, dérangé et contrarié par de telles positions : Saint-Martin n’aurait pas tenu ces propos s’il avait connu l’église d’Orient, et de ce fait, « la science de l’Orient chrétien a manqué à Saint-Martin ».

Voilà l’origine d’une thèse fallacieuse – « expliquant bien des aspects « surprenants » de la vie initiatique contemporaine découlant directement de ces analyses » – et qui faute d’avoir été en mesure d’admettre et respecter les sources et les influences de Saint-Martin, lui fait reproche d’une imaginaire « ignorance » de l’Orient chrétien.

Conclusion

La conclusion de Vivenza, au sujet de ce « manque imaginaire », est de ce fait on ne peut plus juste : « C’est pourquoi, redisons-le car il importe d’y insister, cet angle d’approche s’appuyant sur des vues personnelles issues de convictions ecclésiales, est inefficace pour aborder la pensée de Saint-Martin, il empêche catégoriquement ceux qui pourraient lui accorder un quelconque crédit, de pénétrer en vérité dans l’enseignement que dispensa le Philosophe Inconnu, ce qui explique pourquoi il était devenu nécessaire de tenter de rétablir, dans toute son ampleur et son exacte portée et effective dimension, l’authentique position spirituelle du Philosophe Inconnu dans son rapport à l’Église et au sacerdoce, qui ne participe en rien de « l’ignorance » ou du « manque » d’une « science » qui proviendrait d’Orient, mais d’une méditation approfondie, réfléchie et pensée en conscience, invitant au dépassement des formes institutionnelles de sorte de retrouver ce que furent les mystères connus et partagés par les âmes qui vécurent au temps du christianisme primitif, et de ce à quoi peut permettre accéder, comme régions essentielles et ineffables, l’enseignement de l’Évangile, et la sainte doctrine qui en découle. » [8]

*

Remercions Jean-Marc Vivenza pour cet important travail de « rétablissement » de l’authentique pensée spirituelle du Philosophe Inconnu par rapport à l’Église et au sacerdoce qu’il vient d’effectuer, car ce rétablissement nécessaire s’imposait……et il était, comme on le constate, grand temps !

L'EGLISE ET LE SACERDOCE SELON SAINT-MARTIN

J.-M. Vivenza, L’Église et le sacerdoce selon Louis-Claude de Saint-Martin,

 La Pierre Philosophale, 2013.

 

Notes.

1. R. Amadou, La Révolution du Philosophe Inconnu, Autre Monde, n°119, septembre 1989, pp. 19-20.

2. Ibid., p. 20

3. J.-M. Vivenza, L’Eglise et le sacerdoce selon Louis-Claude de Saint-Martin, La Pierre Philosophale, 2013, pp. 76-77.

4. Ibid., p. 77.

5. Ibid., pp. 77-78.

6. R. Amadou, La Révolution du Philosophe Inconnu, op.cit., p. 20.

7. J.-M. Vivenza, L’Eglise et le sacerdoce selon Louis-Claude de Saint-Martin, op. cit., pp. 78-80.

8. Ibid., p. 84.

Le Grand Maître du GPDG est un clown farceur…s’il ne se déclare pas en 2014 « petit maître national » !

gpdg VI

Si Bruno Abardenti ne se met pas en conformité avec son discours,

il apparaîtra comme un hypocrite aimant faire des phrases,

un grand illusionniste répandant des discours fumeux,

….pour tout dire un « clown farceur » !

 Dans l’exercice de sa charge, celui qui s’autoproclame dans la revue de son obédience (Les Cahiers Verts n°8, 2013), de façon humble, « le féal de la vérité, le chevalier de la beauté, le prêtre de l’amour, le prophète de son retour» (Les Cahiers Verts, n°8, p.11), vient de faire savoir : « Toute doctrine qui ne se discuterait pas, deviendrait par  définition un dogme (…) Willermoz, Saint-Martin et Martinez au regard du seul vrai Maître sont des «  petits maîtres » (Ibid., p. 13).

S’agissant de la doctrine, une telle incompréhension de ce que représente la valeur de l’enseignement initiatique lorsqu’on est membre d’un système comme le Régime écossais rectifié, et plus encore un prétendu « Grand Maître » d’une obédience fondée à l’origine sur ce dit Régime, est une aberration.

Mais lorsqu’on découvre ce qui se cache derrière la remise en question de la doctrine chez Bruno Abardenti, dont nos amis de La Leçon de Lyon, et de Semper Rectificandoont dit ce qu’il fallait en penser….alors là c’est le sommet !

En effet pour celui, « représentant du Christ dans l’Ordre » selon son Grand Orateur (Les Cahiers Verts, p. 31), qui  qualifie ses opposants de « boucs », de  « faux prophètes (…) au parfum de néant », exprimant des « incantations de gueux » ! (ibid., p.12-13), et se fait donner du titre en signant sa prose de mirliton en tant que « Grand Maître National du Grand Prieuré des Gaules », « Willermoz, Saint-Martin et Martinez au regard du seul vrai Maître sont des «  petits maîtres »

Cette désignation est très étonnante….

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« Willermoz, Saint-Martin et Martinez au regard du seul vrai Maîtres

ont des «  petits maîtres …» (Bruno Abardenti, Cahiers Verts n° 8, 2013,p. 13).

Les maîtres fondateurs du XVIIIe siècle, dont Louis-Claude de Saint-Martin, sont en effet considérés avec un infini respect par ceux qui sont à leur école, et nous savons qu’en Martinisme, Saint-Martin, au regard de ses immenses mérites, est honoré par piété, du titre de « Vénéré Maître ».

Il possède même, dans tous les Chapitres de l’Ordre depuis Papus, un autel sur lequel un cierge est en permanence éclairé, représentant non pas uniquement Saint-Martin, mais tous les Maîtres passés à l’Orient éternel qui veillent sur les âmes de désir séjournant en ce monde en attente de leur réintégration, et il ne viendrait à l’idée de personne de le qualifier (pas plus pour Martinès ou Willermoz), du titre de « Grand Maître » ; ils sont « nos maîtres », grands par l’esprit et les qualifications, grands de par l’enseignement qu’ils nous ont légué, grands par leur rôle afin de nous donner de comprendre les mystères de l’Evangile prêché, non par un « Grand Maître » (sic), mais par le Fils de Dieu, le Verbe fait chair.

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La mise sous la toise de Willermoz, Martines ou Saint-Martin, avec le « seul vrai Maître » …..devrait à aboutir à les désigner non comme « petits » …..mais « faux » !

Cependant, pour le « prêtre de l’amour » qui s’amuse à créer des hiérarchies faussées dans un but qui se laisse voir grossièrement, les maîtres fondateurs des voies initiatiques représentant le trésor le plus précieux de l’ésotérisme occidental, sont des «  petits maîtres au regard de celui qu’il nomme « le seul vrai Maître », et qui pourtant jamais ne s’est défini sous ce nom lors de sa vie terrestre, et qui ne l’est dans aucun des livres de la Sainte Ecriture.

D’ailleurs, si l’ont met en opposition le terme de « vrai »….ce n’est pas « petit » que l’on trouve….mais « faux ».

Ainsi, la mise sous la toise de Willermoz, Martines ou Saint-Martin, avec le « seul vrai Maître »…..devrait donc à aboutir, non pas à les désigner comme « petits »…..mais « faux » !

Le Grand Maître du GPDG n’ose pas aller jusque là, même si sa logique y conduit, son objectif est autre….le but de cette désignation biaisée est de l’autoriser, on se demande bien par quelle autorité,  à pouvoir «amender, opposer, et contrarier Willermoz, Saint-Martin et Martinès », l’amusant conseilleur qui a raté une grande carrière de comique, allant jusqu’à soupirer cette exquise remarque : «puisqu’enrichir n’est point trahir » (p. 13) !

Pourtant, une question : qu’est-ce qui lui fait s’imaginer que son action relève de « l’enrichissement » à cet orgueilleux ?

Se croirait-il vraiment inspiré par l’Esprit ?

Comment peut-il en être certain ?

Est-il capable d’en jurer ?

Ne serait-ce pas l’effet d’une illusion, et un tout autre type de « maître », obscur celui-là, qui lui soufflerait de telles idées à l’oreille…. ?

On peut se demander, comme dans le film de Géza von Radványi sorti en 1954, « L‘Étrange Désir de monsieur Bard » , quel est l’étrange mobile qui pousse à agir ainsi Bruno Abardenti ?

Lire de tels propos, sous la plume de celui qui se baptise, sans rigoler, le «  féal de la vérité » et se laisse tranquillement désigner, tel le Roi Soleil en son royaume, comme le « représentant du Christ dans l’Ordre » (p. 31) , est donc stupéfiant, et l’on peut se demander, comme dans le célèbre film de Géza von Radványi sorti en 1954, « L‘Étrange Désir de monsieur Bard » , quel est l’étrange mobile qui pousse à agir ainsi Bruno Abardenti ?

On appréciera donc vivement ces lignes issues de la verbeuse logorrhée du « prêtre de l’amour » : « Je sais bien que dans l’univers maçonnique tout est grand, même si cela n’est  pas toujours évident au premier coup d’œil, et que l’idée de petit, qui  pourtant ferait du bien aux egos fatals, n’est pas en usage… Dommage, ce  serait sinon amusant, au moins efficace comme pédagogie de l’humilité. » (Les Cahiers Verts n°8, p. 13).

Le « prêtre de l’amour » rajoute, avec un humour de collégien confondant poudre à laver avec les ouvrages de Saint-Martin : « Cet apprentissage de la simplicité pourrait s’avérer d’un grand secours pour  éviter de pérenniser le principe de la chute et cesser d’enfanter en notre  sein, ce germe de destruction qu’est l’orgueil spirituel qui nous laisse  croire, que nous lavons plus blanc qu’Ecce Homo, que nous sommes plus  rectifiés que la rectification, plus supérieurs que tous les inconnus, plus  prêtres que les Coens, plus fondateurs que les fondements qui nous fondent. A ces incantations de gueux, je préfère la danse des cieux et le souci de nos  devoirs. » (Ibid., p. 13).

Crocodile Cuvier bannière

La proposition du Crocodile

Alors voilà, c’est bien joli de donner des conseils, mais il est bien plus sérieux de se les appliquer.

Nous invitons donc sans tarder le « prêtre de l’amour », à se mettre en conformité avec ses propres avis…..et l’on verra ensuite si ce discours relève des effets oratoires, ou si Bruno Abardenti est sincère, puisque qu’il soutient : « l’idée de petit, qui  pourtant ferait du bien aux egos fatals, serait ….efficace comme pédagogie de l’humilité (…) apprentissage de la simplicité qui pourrait s’avérer d’un grand secours pour  éviter de pérenniser le principe de la chute et cesser d’enfanter en notre  sein, ce germe de destruction qu’est l’orgueil spirituel ». (Ibid., p. 13).

Parfait, pari tenu « féal de la vérité », on va voir ton courage réel !

Voici la proposition du Crocodile :

Que celui qui exerce la première autorité au sein du GPDG, puisqu’il en a le pouvoir et pour se mettre en conformité avec son discours et ses conseils, donne lui-même l’exemple, et adopte désormais jusqu’à la fin de son mandat, la titulature suivante :

« L’humilissime petit maître national du Grand Prieuré des Gaules »

S’il ne le fait pas, nous le considérerons, et il apparaîtra aux yeux de tous les observateurs, sachant que ce numéro 8 des Cahiers Verts 2013 nouvelle série, est largement diffusé dans le milieu maçonnique, comme un rigolo, un hypocrite aimant faire des phrases, et surtout un grand illusionniste répandant, sous la forme de discours fumeux, de très grosses plaisanteries ….pour tout dire un « clown farceur » !

Attention…..les paroles c’est bien beau…..mais c’est aux actes qu’on juge de la vérité des hommes …..alors on attend pour voir si ce discours est sincère !

CV n°8

 Cahiers Verts n° 8, nouvelle série, 2013.

Saint-Martin n’a pas besoin de messe pour célébrer sa mémoire !

Saint-Martin

Dans un récent article de présentation de son livre : « L’Église et le sacerdoce selon Louis-Claude de Saint-Martin », Jean-Marc Vivenza avance une thèse très pertinente, qu’il avait déjà exposée dans son ouvrage «Le Martinisme » (2006), à savoir : « Saint-Martin n’ignorait ni ce qu’est l’Église, ni ce que sont les sacrements, son refus d’une médiation de l’institution ecclésiale dans la relation entre Dieu et l’homme, participe d’une distance critique d’avec toutes les formes sacerdotales communes aux confessions chrétiennes possédant un clergé à qui est réservé la célébration du culte divin. » [1].

Rembrandt-Pelerins-Emmaus-Gravure-1654« Saint-Martin n’ignorait ni ce qu’est l’Église, ni ce que sont les sacrements… »

Cette position, Saint-Martin eut souvent l’occasion de l’exprimer, il en fit même l’objet de longs développements dans ses principaux ouvrages (Ecce Homo, L’Homme de désir, le Nouvel homme, le Ministère de l’homme-esprit, etc.). Il n’en varia jamais. Pour lui, les cérémonies externes ne sont pas simplement impuissantes pour l’avancement de l’âme, elles ont en plus pour effet de retarder l’esprit de l’homme et vont jusqu’à le dessécher, alors que les créatures sont en devoir d’espérer des nourritures substantielles d’un tout autre ordre pour les conduire vers le Ciel.

Il résumait ainsi sa pensée : « Quand on voit les célébrants dans les églises consumer leur temps et toute leur virtualité à des cérémonies externes et impuissantes, et retarder ainsi l’esprit de l’homme qui se dessèche en attendant une nourriture substantielle, on est affligé jusqu’au fond du cœur, et on est tenté d’appliquer là le passage de l’Évangile où un aveugle conduit l’autre, et où ils tombent tous les deux dans le fossé. » (Portrait, 731).

Il est donc évident pour lui que les sacrements de l’Église sont inutiles pour conduire à la « grande affaire », celle qui consiste dans l’union de l’âme et de Dieu, et peuvent même représenter une barrière, un obstacle sur le chemin initiatique.

Or, une curieuse attitude s’est pourtant développée depuis plusieurs décennies dans les milieux martinistes et néo-coëns en France, s’inspirant des vues personnelles de Robert Amadou (+ 2006) sur cette question, celle s’étant fixée pour but de ramener les disciples de Saint-Martin ou de Martines de Pasqually vers l’Église, ses sacrements et ses dogmes.

Si Pasqually ne s’étendit pas outre-mesure sur le sujet, tout en n’en pensant pas moins, Saint-Martin au contraire ne cacha pas sa pensée. Et cette dernière se résume à ceci : aujourd’hui, dans l’œuvre qui est à accomplir, l’Église et les voies externes ne servent à rien : « Dieu veut nous amener à l’exécution du précepte de l’Évangile sur la prière qui nous dit, quand nous voudrons prier, de nous renfermer dans nos chambres. Car il est bien clair que l’on ne pourra plus guère prier dans les églises des hommes. » (Portrait, 834).

Indulgences II

« On ne pourra plus guère prier dans les églises des hommes… »

On comprend donc pourquoi dans son texte, Jean-Marc Vivenza écrit : « Ceci nous amène à formuler une réelle réserve, quoique amicalement et sans animosité aucune, même s’il nous semble nécessaire que cela soit souligné, à propos de ceux qui furent à l’initiative – et la perpétuent – de faire dire une  «messe» (sic) à la mémoire ou à « l’intention » du Philosophe Inconnu chaque année au mois d’octobre à la date anniversaire de sa naissance au Ciel, sachant les positions plus que critiques de Saint-Martin à l’égard du culte divin « ostensible » utilisant des espèces matérielles et des objets liturgiques fabriqués par la main de l’homme, initiative curieuse donc, qui, si elle participe sans doute d’une pieuse intention, relève cependant, au minimum, d’un évident oubli ou, plus certainement, d’une patente méconnaissance de la véritable perspective saint-martiniste et, objectivement, d’un éloignement manifeste d’avec les analyses, pourtant clairement exprimées par le théosophe d’Amboise, portant sur le caractère profondément discutable de la religion institutionnelle, et le peu de valeur des cérémonies célébrées par l’Église, notamment le rituel eucharistique. » [2]

Et il est vrai. On ne voit pas très bien pourquoi, en prenant l’initiative d’une messe à son « intention » à la date de sa naissance au Ciel, on veut imposer à Saint-Martin après sa mort, ce qu’il refusa de son vivant, et précisément au moment de son retour à Dieu où il ne voulut pas de la présence d’un prêtre à ses côtés.

C’est objectivement une manière de le trahir et de ne pas respecter ses positions sur ces sujets.

Car en effet, Saint-Martin n’a pas besoin que soit célébrée une messe pour honorer sa mémoire ou pour contribuer au repos de son âme, c’est même le meilleur moyen de montrer que l’on a rien compris à sa pensée et son œuvre !

Ainsi, il est clair que les disciples de Saint-Martin n’ont donc pas à « apprendre » ce que Saint-Martin écarta pour de justes motifs. Ils ont surtout à se remémorer ceci, ce qui leur permettra d’éviter bien des pièges, et de se prémunir de l’emprise d’une classe sacerdotale cherchant à prendre autorité sur l’initiation : « Ce sont les prêtres qui ont retardé ou perdu le christianisme, la Providence qui veut faire avancer le christianisme a dû préalablement écarter les prêtres, et ainsi on pourrait en quelque façon assurer que l’ère du christianisme en esprit et en vérité ne commence que depuis l’abolition de l’empire sacerdotal…. » (Saint-Martin, Portrait, § 707).

Notes.

1. J.-M. Vivenza, Le Martinisme, Le Mercure Dauphinois, 2006, pp. 222-223. Ce rappel était une réponse à l’affirmation qu’avait formulée en son temps Robert Amadou : « Saint-Martin ignorait, ce qu’est l’Eglise et ce que sont les sacrements », rajoutant : « le disciple de Saint-Martin apprendra ce que Saint-Martin ignorait… » (R. Amadou, in Introduction, Traité sur la réintégration des êtres, Collection martiniste, 1995, p. 37). Ce jugement péremptoire était aussi destiné à Martines de Pasqually dans le passage cité.

2. L'EGLISE ET LE SACERDOCE SELON SAINT-MARTINJ.-M. Vivenza, L’Église et le sacerdoce selon Louis-Claude de Saint-Martin, 2e Partie. La pratique du culte divin au sein du Sanctuaire du cœur, note 4. La Pierre Philosophale, 2013.